Le redoublement – Quand est-ce recommandé?

La question du redoublement comme stratégie d’aide à l’élève en difficulté est un sujet complexe. De nombreuses recherches ont démontré que le redoublement, lorsqu’il consiste simplement à reprendre exactement la même année, n’est pas une stratégie efficace.  Le présent article est intéressant car des nuances sont apportées. Ainsi, avant d’envisager le redoublement est-ce que toute l’aide nécessaire a été apportée à l’élève? Le redoublement serait une stratégie de dernier recours. 

Article dans le journal La Presse (15-07-2022)
Autrice journaliste: Léa Carrier

https://www.lapresse.ca/actualites/education/2022-07-15/une-mere-se-bat-pour-faire-redoubler-son-fils.php

Une mère se bat pour faire redoubler son fils

Dominique Dubois veut que son fils de 9 ans, qui éprouve de grandes difficultés d’apprentissage, puisse redoubler sa 3e année.

Dominique Dubois mène un combat inhabituel : elle souhaite que son fils, qui présente d’importants troubles d’apprentissage, redouble sa 3année du primaire. Mais la direction de son école s’y oppose.

« Il faut qu’il redouble cette année, parce qu’on creuse l’écart et mon fils va finir par se décourager », déplore Dominique Dubois.

Son fils Lucas*, âgé de 9 ans, est un petit garçon persévérant, facile et qui aime apprendre. Un vrai battant, aux yeux de sa mère.

Car Lucas éprouve de grandes difficultés à l’école. À son dernier bulletin de la 3année du primaire, il échoue en français, en mathématiques et en anglais.

Pour le bien-être et la réussite de son enfant, Dominique Dubois veut qu’il redouble. C’est la troisième année consécutive qu’elle en fait la demande, sans succès. Cette fois, l’enseignante et l’orthopédagogue de Lucas recommandent aussi qu’il reprenne une année scolaire. Même son pédiatre et sa tutrice sont d’accord.

Mais le dernier mot revient à la direction de l’école de l’enfant, rattachée au centre de services scolaire (CSS) de Laval, qui, une fois de plus, s’y oppose.

Selon Mme Dubois, la direction évoque qu’en dehors du français, des mathématiques et de l’anglais, Lucas a obtenu la note de passage dans les autres matières.

Aussi, le garçon n’était pas accompagné par une technicienne en éducation spécialisée comme il aurait dû l’être en raison de la pénurie de main-d’œuvre. Or, la direction croit que le problème sera réglé l’an prochain, rapporte Dominique Dubois.

Surtout, l’école veut éviter de faire redoubler Lucas au milieu d’un cycle scolaire, dans l’espoir qu’il consolide ses acquis en 4année.

Par courriel, le CSS de Laval a refusé de commenter ce dossier pour des raisons de confidentialité.

« La reprise d’année scolaire est appliquée de façon exceptionnelle, après l’analyse de l’ensemble de la situation et du dossier de l’élève », a simplement répondu la directrice des communications, Stella Duval.

Découragée, Mme Dubois contestera la décision de l’école devant un comité de révision le 22 août prochain… une semaine avant la rentrée.

J’y crois, que la majorité des enfants ne devrait pas redoubler. C’est une décision déchirante comme parent.

Le redoublement « doit être envisagé » dans certains cas

Au Québec, le consensus est que le redoublement est « une mesure d’aide peu efficace », explique Égide Royer, professeur associé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval.

Interrogé par La Presse, le ministère de l’Éducation a indiqué ne pas connaître le nombre d’élèves qui redoublent chaque année.

Au primaire, un enfant ne peut redoubler qu’une seule fois. Les écoles doivent plutôt privilégier des mesures adaptées à l’élève en difficulté, comme de l’orthopédagogie ou des programmes d’aide pendant l’été.

Or, lorsqu’on a épuisé toutes les mesures d’aide, le redoublement, doublé d’un plan d’intervention, « doit être envisagé », affirme M. Royer.

Dès la maternelle, l’enseignante de Lucas a remarqué un retard sur ses petits camarades de classe.

Rien pour aider : lors de sa 1re année, la pandémie a forcé la fermeture des écoles.

On a fait ce qu’on pouvait avec les moyens du bord, mais il a manqué quatre mois d’école, sans accompagnement. Ça a été comme le clou dans le cercueil.

Dominique Dubois

Au fil des ans, les diagnostics de Lucas s’additionnent : trouble du déficit de l’attention, autisme, dyslexie, dysorthographie… Même entouré d’une équipe d’éducateurs bienveillants, Lucas accuse un retard.

« La neuropsychologue [que Lucas a consultée] parle d’au moins un an et demi de retard sur le plan des apprentissages, surtout en français », rapporte Mme Dubois.

Arriver à l’école secondaire sans savoir lire, « c’est plus qu’un facteur de risque », prévient le DRoyer : « c’est courir après l’échec scolaire ».

Donner la priorité à l’enfant

Régulièrement, la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE) entend parler de cas de directions qui refusent un redoublement pour des raisons purement administratives.

« Pour trouver l’équilibre dans leurs classes, il y a des écoles qui vont prendre leurs décisions en dehors des recommandations des enseignants », déplore la présidente de la FSE, Josée Scalabrini.

Depuis de nombreuses années, le syndicat d’enseignants réclame une large concertation sur l’évaluation au primaire, afin qu’elle soit « au service de l’élève et non de la machine [bureaucratique]. »

Plusieurs variables peuvent expliquer qu’une direction refuse un redoublement, nuance la directrice générale du Centre d’évaluation neuropsychologique et d’orientation pédagogique, Line Gascon.

Par exemple : est-ce qu’on a mis tous les outils technologiques et les ressources humaines à la disposition de l’enfant ? Est-ce une année stratégique pour un redoublement ?

Une chose est certaine, la direction doit « pouvoir expliquer la stratégie qui motive un refus ». « Ça doit s’inscrire dans un argument qui est pour le bien de l’enfant », souligne la neuropsychologue.

*Prénom fictif pour protéger l’identité de l’enfant

3 réflexions au sujet de « Le redoublement – Quand est-ce recommandé? »

  1. Lucas aurait dû etre l’objet d’un plan d’intervention (PI) dès sa première année, voire sa maternelle. Sans doute un plan de services individualisé et intersectoriel (PSII) aurait dû etre orchestré.
    La perspective de ce plan aurait dû graviter autour du progrès continu en établissant ses besoins prioritaires et en les traduisant en objectifs identifiant tout le soutien professionnel et technique requis à hauteur des besoins de Lucas jusqu’à sa mise à flot.
    Malgré la recherche (subventionnée) à laquelle réfère Égide Royer, le redoublement est devenu, dans le tournant des années 90, banni en raison des ses coûts administratifs, de son effet sur la diplomation dans les temps normalisés et de l’instauration des cycles qui étalent artificiellement le temps d’atteindre les compétences fixées.. Le progrès continu n’a pas accompagné la différenciation….Et les pressions pour le non-redoublement n’ont pas été compensées par lpus de services.
    Le modèle de l’Iowa implanté par Royer, dans les années 90 pour les écoliers en trouble du comportement a été étendu à toutes les clientèles HDAA et s’est traduit, sur le terrain, par l’approximation institutionnalisée en reportant aux calendes grecques les évaluations causales expertes et l’octroi des services complémentaires en PI..
    Un enfant en difficulté malgré un PI, un PSII et l’obtention de services selon ses besoins devrait pouvoir doubler et obtenir un PI, un PSII et des services rétroactifs pour remédier aux manquements passés.
    La maman a raison, l’orthopédaqgogue et l’enseignante aussi, ainsi que la neuropsyhologue qui a évalué Lucas.

    Patrick Daganaud, 51e année dans le système scolaire québécois, ex-directeur, ex-chargé de cours, ex-enseignant, orthopédagogue, spécialiste de l’adaptation scolaire et sociale inclusive systémique

  2. Très intéressant. Un combat de spécialistes et de différentes responsabilités, qui doivent penser uniquement à ce qui est le mieux pour l’enfant. Pas facile, mais souvent complexe

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