La pauvreté (prise 2)

La pauvreté

Préambule

J’ai été déclenché dans ma réflexion sur la pauvreté suite à la lecture d’un diaporama qui faisait la comparaison entre la richesse et la pauvreté en valorisant la pauvreté et ses liens avec la nature. Voici en gros ce que disait le diaporama, qui était très bien fait en présentant de belles photos de la nature et une musique de fond détendante.

C’est l’histoire d’un père qui veut faire vivre à son fils une expérience de la pauvreté en permettant au jeune garçon de séjourner trois jours chez une famille pauvre à la campagne. Lorsque le père demande à son fils comment il avait trouvé l’expérience, contrairement à toute attente, celui-ci lui raconte ce qui suit (extrait).

  • Nous avons un chien, ils en ont quatre;
  • Nous avons une piscine avec de l’eau traitée, ils ont une rivière avec de beaux Poissons, et plein de belle nature;
  • Nous avons une installation d’éclairage électrique dans notre jardin, eux, ils ont les étoiles et la lune pour les éclairer;
  • Nous écoutons des CD, eux écoutent la symphonie des oiseaux, des grillons et des petits animaux
  • On utilise le micro-onde, eux ils mangent des plats mijotés à feu lent et aux multiples saveurs;
  • Et cela continue ainsi…

Ce n’est pas la pauvreté que je connais. Cette connaissance me vient de deux sources principales: mes travaux de recherche sur le décrochage scolaire et mon vécu d’enfant dans une famille pauvre.

À partir de ces deux sources d’information, voici comment je comprends la pauvreté.  Je tiens à mentionner ici que de vivre dans une famille pauvre, défavorisée ne signifie pas nécessairement un avenir catastrophique. Je n’adhère pas à une vision d’un déterminisme mécanique, automatique conditionné par le bagage génétique et l’environnement. La résilience existe et les facteurs de protection aussi. Ce qui est certain cependant c’est que vivre dans la pauvreté, dans un milieu défavorisé comprend de nombreux facteurs de risque pour les enfants et les adultes et rend le développement et le vécu plus difficile.

Quelques constats de recherche sur la pauvreté et les milieux défavorisés

Qu’est-ce que la pauvreté et être défavorisé ?

Selon le dictionnaire Antidote, la pauvreté est l’état d’une personne qui a peu de ressources, qui manque de moyens; c’est l’insuffisance matérielle ou morale; la stérilité, l’infécondité. Un complément à la pauvreté est l’état de défavorisé  qui se caractérise par la situation d’une personne désavantagée économiquement, socialement ou culturellement.

Quelles sont les conséquences possibles de la pauvreté et d’être défavorisé?

Les nombreux travaux en éducation et en sociologie de l’éducation démontrent un lien clair entre l’état de défavorisé et le niveau de qualification (la diplomation). Les jeunes issues de milieux défavorisés ne commencent pas leur parcours scolaire sur la même ligne de départ.

Les jeunes issus de milieux défavorisés sont plus à risque de retard scolaire, de retard dans leur qualification, dans leur diplomation et plus à risque de décrochage scolaire. L’on sait maintenant que le décrochage scolaire est associé à un vécu plus difficile au niveau de la santé physique et mentale, au niveau de l’intégration socioprofessionnelle, au niveau de la perte d’emploi et du chômage.

Quelques statistiques

En éducation le MELS utilise un indicateur de niveau de défavorisation, soit l’Indice de Milieu Socio-Économique (IMSE). Il y a dix niveaux, le niveau 1 signifiant un haut niveau de favorisation et le niveau 10 un haut niveau de défavorisation. Certaines statistiques de 2014 du MELS utilisent une comparaison entre le taux de sortie avec diplômes selon l’IMSE. Il existe un écart de 14% de diplomation entre les élèves issus de milieux favorisés (IMSE de1) et les élèves issus de milieux défavorisés (IMSE de 10).

Pour ma part, je possède des statistiques sur les élèves à risque (en difficulté scolaire) de la maternelle 5 ans à la 6e année du primaire. Ces statistiques sont issues du logiciel de dépistage Premiers signes administré à plus de 3 000 élèves de trois commissions scolaires. Le pourcentage de risque chez les élèves d’écoles ayant un IMSE de 1 à 7 se situe autour de 26% alors que celui d’école de milieu défavorisé (écoles SIAA – IMSE de 8 à 10) se situe à 33%.

Il est clair que de vivre dans la pauvreté, être défavorisé a des effets sur la qualité de la scolarisation et devient un facteur de risque important

Quelques souvenirs d’enfance de mon vécu de la pauvreté

Maintenant, je laisse de côté les statistiques liées à cette réalité de l’état de défavorisé et je vous présente quelques souvenirs de mon vécu d’enfant vivant dans une famille pauvre, à Verdun (Montréal) et entouré d’un certain nombre de familles aisées[1].

Être pauvre signifiait que ma famille faisait partie de la liste des familles pauvres de la paroisse. À  Noël on recevait «le panier du pauvre». J’étais honteux, gêné, mal à l’aise. Mes souliers neufs avaient été acheté par le curé de la paroisse.

Enfant je me sentais dévalorisé,  trop différent des autres, de ses amis.

Il y avait autour de moi des familles aisées, vraiment aisées. Ce n’était pas mes amis, ils étaient trop différents. Eux ils étaient bien habillés, fréquentaient un club de tennis, un collège classique. À leur fête, à Noel ils recevaient des cadeaux et ils partaient en vacance l’été.

Regarder ceux qui sont plus riches et avoir mal à l’intérieur de constater la différence. De constater leur bonheur et d’être conscient de ses manques. Voir ces jeunes recevoir des jouets luxueux et se sentir différents, ressentir du mal à l’intérieur et savoir que je n’aurai jamais ce genre de cadeaux.

Sentir chez ces enfants que c’est naturel d’avoir des «biens», me sentir différent, être triste et me sentir vulnérable.

Nous étions trois enfants à la maison et une paire de patins pour les trois. Patins trop grands évidemment. Pas de chandail de hockey, pas de bicycle.

Bien entendu, tout n’était pas toujours sombre, il y avait parfois du « bonheur » surtout dans les moments de jeux à l’extérieur.

Conclusion

Oui il y a des familles pauvres, défavorisées qui peuvent, comme l’illustrait le diaporama, profiter de la nature, des rivières, des animaux, des plats mijotés, mais d’une façon générale la pauvreté rend la vie des personnes plus difficile, plus vulnérable. Il faut vraiment tout faire pour réduire ces écarts entre les riches et les pauvres et aider ces jeunes et leur famille à sortir de la pauvreté.

 [1] Pour plus d’information sur mon vécu, le lecteur peut consulter ma biographie au menu Auteur – Biographie.

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