Bilan du décrochage scolaire au Québec – Facebook Live

 Voici un lien d’une entrevue-conférence sur FB Live dont les sujet est: Bilan du décrochage scolaire au Québec – demandé par ÉDUCAIDE et animée par Éva Milko.

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Voici le texte de l’entrevue conférence du 2 octobre 2024

Question 1 : Bienvenue, Pierre Potvin, c’est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui. Une première question pour commencer cette entrevue : d’après vos recherches, comment évolue le décrochage scolaire depuis ces dernières années ? Reste-t-il stable ou bien a-t-il augmenté ?

Depuis 20 ans le décrochage scolaire est en baisse.

Selon le MEQ 2022 on observe une baisse importante du décrochage[1] :

  • en 2000 c’était 21.5 %  (27% G et 16% F.)
  • en 2021 c’était 13.8%   (17.1% G et 10.6% F.)
  • L’écart entre les garçons et les filles est toujours présent.
  • Malgré les progrès de la lutte au décrochage, cela reste un problème important.

Selon mon collègue Égide Royer expert dans le domaine, actuellement les statistiques sont faussées par le nombre élevé d’immigrés non inscrit à l’école.

Actuellement l’une des préoccupations du ministère de l’Éducation c’est le problème de l’absentéisme scolaire.  

L’absentéisme est un facteur de risque important du décrochage scolaire.

Question 2 : Selon vos recherches, qui sont les jeunes les plus à risque de décrocher ?

Selon notre étude réalisée en 2014 auprès de 3160 élèves et 239 enseignants publiée dans Potvin (2018). Avec le logiciel de dépistage des élèves à risque le logiciel Premiers signes :

  • Les jeunes de milieux défavorisés.
    • Milieu défavorisé 33% à risque / Milieu régulier 26%
  • Les garçons sont plus à risque.
    • Garçons de milieu défavorisé 40% à risque / Milieu régulier 30%
  • Les élèves qui dès la maternelle, la 1re et 2e année sont identifiés à risque.
  • Les élèves qui présentent des problèmes d’apprentissage 43% des élèves à risque.
  • Les élèves qui présentent des problèmes comportement extériorisés (opposition – violence) 30% des élèves à risque. Au secondaire c’est autour de 50% (avec le logiciel LDDS).

Problème des garçons à l’école

  • L’écart entre les garçons et les filles persiste dans le temps.
  • Plus de femmes que d’homme inscrits au CÉGEP et à l’Université. Au CÉGEP 60% des femmes obtiennent leur diplôme. Malgré cela les femmes gagnent 9% de moins en revenu salarial.
  • Dès le préscolaire le problème des garçons s’observe : problème de langage, problème de comportement.

Note. Le problème des garçons et l’investissement en services ne doivent pas nuire à la préoccupation de la réussite des filles à l’école.

Sous-question : Quelles sont les principales causes qui les poussent à abandonner leurs études ?

On parle de causes multifactorielles, chaque jeune a son histoire. D’une façon générale :

  • Dans notre étude longitudinale au secondaire, le facteur prédictif important était le rendement scolaire dans les matières de base.
  • Venir d’un milieu défavorisé.
  • Cumuler des échecs depuis le primaire – affecte l’estime de soi, la confiance dans sa réussite – la motivation.
  • L’absentéisme nuit à la réussite scolaire – parent démuni devant ce problème.
  • Ce qui est nouveau actuellement c’est la pénurie de main-d’œuvre ce qui peut favoriser de ne pas poursuivre ses études sachant qu’il est possible d’avoir un emploi.

Raisons évoquées

  • Garçon : mésentente avec les enseignants – exclusion – travailler pour avoir de l’argent
  • Filles : souvent une question de problème familial – aide à la maison – problème de santé – parfois grossesse.

Intervention préventive

  • Dépistage au préscolaire – au primaire et au secondaire.
  • Agir dès les premiers signes.
  • Interventions universelles (gestion de classe) et ciblées : exemple : le répertoire de pratiques Agir dès les premiers signes
  • Accompagner les jeunes à risque et leur famille au primaire et au secondaire. Implanter un programme validé : Trait d’Union ou adaptation et validation de Check and Connect (Motiv’action), Agir dès les premiers signes, Mentorat.
  • Accès sans condition aux activités parascolaires (élèves à risque beaucoup plus de chances de ne pas décrocher si inscrit en activité parascolaire – Sport – informatique – robotique – arts – sciences, etc.).
  • La participation à des activités parascolaire peut avoir  des impacts positifs sur le sentiment d’appartenance à l’école, le climat de l’école, la réussite scolaire, la construction de son identité et de ses compétences.

Sous-question : Avez-vous remarqué des disparités géographiques dans le décrochage scolaire ou des âges particulièrement vulnérables ?

Je ne suis pas habilité pour bien répondre à cette question, mais il est clair qu’il existe des régions et des CSS ou les taux de décrochage scolaire est plus élevé.

Le professeur et sociologue Michel Perron de l’UQAC (retraité) a fait plusieurs travaux sur le sujet et même développé une application informatisée illustrant les statistiques par région.

Pour la question d’âge il semble bien que ce soit au deuxième cycle du secondaire et vers les 16 ans.

Question 3 : Le décrochage scolaire est souvent associé à des difficultés personnelles et familiales. Pouvez-vous nous parler des impacts psychologiques que subissent les jeunes décrocheurs ?

  • Se sentir exclu
  • Dévalorisation de l’estime de soi
  • Sentiment de malaise – de frustration – pas bien dans cet environnement de l’école
  • Atteinte à la motivation et à l’engagement scolaire.
  • Perte de la possibilité de réaliser ses rêves.
  • Pour certains, touche la santé mentale (dépression, anxiété) et la santé physique.

Question 4 : Les jeunes issus de milieux défavorisés semblent particulièrement touchés par le décrochage. Pouvez-vous expliquer pourquoi ces jeunes sont plus vulnérables et comment leur environnement socio-économique contribue à leur décrochage ?

  • Souvent le milieu familial est perturbé, dysfonctionnel et cause du stress chez le jeune.
  • Parent dépassé et peu disponible pour le suivi scolaire, la présence à l’école.
  • Une transmission intergénérationnelle, un développement d’impuissance acquise (on a de la difficulté à s’en sortir).
  • Peu ou pas de valorisation des études. Certains parents n’ayant pas eux-mêmes finit leur secondaire ou ayant eux-mêmes décrochsé.
  • Un manque de modèles positifs et inspirants pour les études.

Question 5 : Quelles sont les conséquences à long terme du décrochage scolaire, tant sur le plan personnel que professionnel pour ces jeunes ? On sait, par exemple, qu’ils peuvent vivre davantage d’anxiété ou de dépression.

Plusieurs des jeunes à risque sont plus vulnérables et cumulent des facteurs de risque.

  • Plus de problèmes de santé physique et psychologique
  • Une perte importante de revenu au cours d’une vie.
    • Toutefois, il semble que l’écart de salaire entre diplômés du secondaire et universitaire se rétrécit. Ceci peut favoriser le décrochage scolaire.
  • Peu ou pas de formation professionnelle – emploi mal rémunéré et conditions difficiles.
  • Plus de risque de délinquance
  • Plus haut taux de chômage

Question 6 : Le mentorat joue un rôle central dans le Parcours Hubble. Pourquoi est-il si important pour ces jeunes et quels impacts avez-vous observés grâce à ce genre d’accompagnement, tant au niveau psychologique que scolaire ?

  • Il y a le mentorat classique. Habituellement un adulte d’expérience qui accompagne une personne plus jeune ou débutante (ex : Les Grands frères). Nous avons expérimenté ce genre de mentorat au secondaire. Les mentors étaient des enseignants(es) de l’école. Ce n’était pas centré sur le scolaire. Les mentorés et les mentors ont beaucoup apprécié leur expérience et ce fut très positif pour les deux.
  • Il y a le mentorat de type accompagnement scolaire des jeunes à risque de décrochage scolaire. Ce type d’accompagnement a fait ses preuves et fait partie des programmes de prévention comme Trait d’union du CTREQ et l’adaptation par Michel Janosz du programme Check and Connect (Motiv’Action).
  • Le Parcours Hubble utilise le mentorat et c’est une pratique reconnue efficace.
    • Participe à développer les compétences de l’élève dans ses relations interpersonnelles.
    • Aide au développement de l’estime de soi, de croire dans ses capacités lorsque le mentor fait sentir au mentoré qu’il croit en lui.
    • Peut avoir une influence sur la motivation scolaire si l’école fait partie des discussions.
    • Réaliser de nouvelles expériences d’activités avec le mentor ouvre la porte et permet d’élargir sa vision de l’avenir ou de renforcer ses rêves.

            Sous-question : Pouvez-vous nous dire quelles sont les conditions gagnantes pour que le mentorat agisse positivement sur la motivation scolaire d’un jeune ?

  • Le succès de ce mentorat va dépendre de la qualité de la relation de bienveillance de la part du mentor.
  • Du degré de confiance du mentoré et son degré d’engagement.
  • La participation du mentoré au choix de son mentor lorsque c’est possible.
  • L’ingrédient principal est : Je crois en toi, dans tes qualités, dans ta capacité de réussir.
  • Développer son estime de soi, sa confiance dans un contexte hors de l’école peut avoir de bonne répercussion sur la motivation scolaire de l’élève.
  • Recevoir des conseils pratiques sur le vécu scolaire aide le jeune dans ses réussites scolaires.

Question 7 : Le parcours Hubble comprend également 2 jours d’atelier en immersion et l’attribution d’une bourse de persévérance sur plusieurs années. En quoi le fait d’être avec d’autres jeunes loin de l’école et de recevoir de l’argent les aide à retrouver leur motivation scolaire ?

  • Dans les deux jours d’ateliers, le jeune va être en contact avec divers expériences et témoignages, avec d’autres jeunes comme lui, ce qui peut contribuer à le stimuler, à découvrir de nouveaux horizons.
  • Déjà d’être choisi pour recevoir une bourse c’est très valorisant. Cela démontre au jeune qu’il en vaut la peine. Qu’on croit dans ses capacités.
  • Recevoir de l’argent pour un adolescent peut être très stimulant et contribuer à soutenir matériellement ses études. Surtout s’il vient d’un milieu défavorisé.
  • Le tout peut déclencher la spirale ascendante.

Question 8 : Selon vous, quelles seraient les actions prioritaires à mettre en place au Québec pour réduire le taux de décrochage scolaire et soutenir ces jeunes ?

  • Poursuivre ou implanter le dépistage des élèves à risque dès la maternelle. Les outils existent, entre autres, le logiciel Premiers signes 2
  • Intervenir tôt et Agir dès les premiers signes surtout auprès des élèves qui présentent des problèmes d’apprentissage et/ou de problème comportement extériorisé.
  • Poursuivre ou implanter le dépistage des élèves à risque au secondaire. Les outils existent, entre autres, le Logiciel du Dépistage du Décrochage Scolaire (LDDS)
  • Accompagner les jeunes à risque de décrochage au secondaire en implantant des programmes tel Trait d’Union.
  • Que toutes les écoles puissent offrir à tous les élèves des activités parascolaires sans sélection (aptitudes – rendement scolaire).
  • Ne plus maintenir le système d’écoles à trois vitesses (privée – école avec activités parascolaires – école sans activités parascolaires).

Question 9 : Pouvez-vous nous en dire plus sur vos initiatives de recherche sur le décrochage scolaire ?

  • J’ai dirigé ou co-dirigé deux études longitudinales d’une durée de 11 ans chacune – l’une au primaire et l’autre au secondaire.
  • Avec l’aide du CTREQ participé à développer deux logiciels de dépistage du décrochage scolaire. L’un au préscolaire primaire Premiers signes -l’autre au secondaire le Logiciel de Dépistage du Décrochage Scolaire (LDDS).
  • Avec l’aide du CTREQ j’ai produit deux guides de prévention – l’un pour le primaire et l’autre pour le secondaire.
  • Plusieurs de mes outils en éducation et psychoéducation qui se rapportent au décrochage scolaire sont accessibles gratuitement sur mes sites Internet :

Sous-question : Comment une école qui souhaiterait en bénéficier pourrait s’y prendre ?

  • Je consacre maintenant mon temps à la prévention du décrochage scolaire en mettant l’accent sur le dépistage au préscolaire et primaire. Je fais la promotion du logiciel Premiers signes 2.
  • Les directions des CSS, les directions d’établissement, les enseignants et les professionnels de l’éducation peuvent avoir accès gratuitement au logiciel en m’écrivant à : potvin@uqtr.ca.
  • Par le virtuel, je peux offrir des conseils.
  • Pour information sur le logiciel, voir sur mon site : https://pierrepotvin.com/wp/premiers-signes-v2/

Conclusion

  • Le dépistage tôt dans le vécu scolaire de l’élève est un facteur de protection important.
  • Agir dès les premiers signes de difficulté – apprentissage – comportement.
  • L’implantation de programmes reconnus efficaces.
  • L’utilisation du mentorat comme approche.
  • Faire vivre de nouvelles expériences qui ouvrent l’horizon à des possibilités de métiers, de carrières.
  • En ordre d’importance pour changer les attitudes des jeunes à risque :
    • Efficace : utiliser l’information par des personnes compétentes dans le domaine touché.
    • Très efficace: utiliser le témoignage par l’histoire de succès de personnes qui ont vécus des difficultés scolaires.
    • Extrêmement efficace: le jeune à risque vit une expérience pratique comme un court stage, une visite d’un milieu de travail, etc. À la condition que l,expérience du jeune soit positive.

Selon la connaissance que j’en ai, le Parcours Humble avec l’utilisation du mentorat et l’aide financière par une bourse de persévérance est une approche gagnante pour la prévention du décrochage scolaire.

Publications pertinentes

Potvin, P. (2012). Prévenir le décrochage scolaire. Mieux comprendre la réussite ou l’échec scolaire de nos enfants et adolescents. Collection Psychoéducation : fondements et pratiques. Béliveau éditeur.

Potvin, P. (2015). Comprendre l’apprentissage pour mieux éduquer. Une approche psychoéducative. Collection Psychoéducation : fondements et pratiques. Béliveau éditeur.

Potvin P. (2018). Élève à risque d’échec scolaire. Un regard sur la résilience et les facteurs de protection. Collection Psychoéducation : fondements et pratiques. Béliveau éditeur.

Potvin, P. (2024). Prévention du décrochage scolaire et mentorat. https://pierrepotvin.com/wp/decrochage-scolaire-synthese-2024/

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[1] Les statistiques du MEQ. Cet indicateur représente la part des élèves du secondaire en formation générale des jeunes (FGJ) qui ont quitté le secondaire une année donnée, alors qu’ils n’avaient aucun diplôme ni qualification. Les élèves identifiés comme sortants sans diplôme ni qualification sont ceux qui n’ont obtenu ni diplôme ni qualification lors de l’année d’observation et qui ne sont pas inscrits l’année suivante en formation générale des jeunes (FGJ), en formation générale des adultes (FGA), en formation professionnelle (FP) ou au collégial.

 

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