Tour d’horizon sur le décrochage scolaire

 

Voici un bref tour d’horizon sur le décrochage scolaire. Ce texte est fondé sur mes réponses à 13 questions que m’ont posées trois étudiants(es) du CÉGEP Sorel-Tracy au Québec (études collégiales de deux années après le secondaire et avant l’université). C’est dans le cadre d’un cours de fin d’année et de formation que ces étudiants(es) ont réalisés(es) un travail ayant pour thème la motivation et le décrochage scolaire. Les trois étudiants(es) sont: Axel Bender,  Noémie Champagne et Fékrïa Joad.

 

Le lien pour écouter l’entrevue audio
https://www.youtube.com/watch?v=cr8z6UMjyXY&t=11s 

Contenu écrit de l’entrevue

  1. Parlez-moi un peu de vous et de votre cheminement scolaire

J’ai vécu mon enfance et adolescence dans un milieu familial pauvre. L’école primaire a été une catastrophe – redoublement deux fois – violence physique d’un directeur et violence psychologique d’enseignantes. Par contre, au secondaire ce fut le bonheur total, j’avais du succès dans mes études, j’étais actif dans les activités parascolaires (gymnastique de compétition). De plus, j’avais un travail étudiant comme livreur dans une épicerie. Aussi, j’ai eu l’occasion de rencontrer des mentors, des adultes bienveillants qui croyaient en moi. Ces différents facteurs positifs m’ont orienté vers le succès à l’école et par la suite plusieurs formations universitaires du certificat au doctorat. Pour plus d’information voir ma biographie sur mon site : www.pierrepotvin.com/wp Menu l’auteur

  1. Qu’est-ce qui a fait en sorte que vous avez fait preuve d’autant de persévérance dans vos études?

Mon père avait des problèmes de santé physique et mentale et ne travaillait pas. Très tôt durant mon enfance et adolescence, il devenait clair pour moi que je ne voulais pas lui ressembler, vivre une vie difficile comme lui. Il devenait impératif pour moi de réussir dans la vie. C’était incontournable. Adolescent le sport de compétition m’a aidé à apprendre à vivre l’effort pour apprendre, à persévérer dans mes projets. Mon enseignant d’éducation physique qui était aussi mon entraîneur m’a beaucoup aidé en croyant en moi. J’aimais apprendre, je voulais réussir, j’étudiais et travaillais fort et j’étais très organisé à l’image de ma mère.

  1. Quels sont les aspects qui favorisent le décrochage scolaire?

Les recherches sur le décrochage scolaire mentionnent pour la plupart que les causes du décrochage sont multiples. Une étude longitudinale que nous avons menée en suivant durant 11 ans des élèves du secondaire démontre que le principal facteur de prédiction du décrochage c’est le rendement scolaire dans les matières de base ou l’échec scolaire. Les causes qui ressortent sont entre autres, les difficultés d’apprentissage ainsi que les difficultés de comportement; le fait d’être un garçon. Le processus menant au décrochage scolaire débute très tôt, soit en maternelle 5 ans et même plus tôt en garderie.

Un autre facteur qui favorise le décroche chez les élèves c’est de ne pas être aidé dès le début des difficultés. Dans ce cas, les échecs s’accumulent, la frustration augmente ainsi que la perte de motivation scolaire.

 

  1. Croyez-vous que la pandémie ait un impact considérable sur la motivation scolaire?

Pour des élèves ou étudiants déjà vulnérables et potentiellement décrocheurs(euses), la motivation peut être déjà faible, la baisse d’accompagnement, d’encadrement dû à la pandémie et de l’enseignement à distance peut nuire

De plus, pour les jeunes, la vie sociale à l’école, le contact avec les amis, la perte de soutien, d’accompagnement par les enseignants et les professionnels de l’école peuvent nuire grandement. Donc, cela peut être nuisible et favoriser un danger de hausse du décrochage au secondaire, au CÉGEP et à l’Université.

  1. Que pensez-vous de l’école à distance et du retour en classe des étudiants ? Impacts favorables?

L’enseignement à distance suppose des capacités d’autogestion, de motivation et de courage de la part des élèves. Également du support des parents. Le confinement et le déconfinement (yoyo) n’aident pas il peut à la longue miner la confiance des élèves, des enseignants et des parents. L’enseignement à distance suppose beaucoup d’adaptation de la part des enseignants et des autres professionnels.

L’aspect positif du retour en classe et de retrouver une forme de normalités, de retrouver ses amis(es) et de renouer les liens affectifs avec les enseignants et les professionnels.

  1. Quelles sont les clés essentielles qui mènent à la réussite étudiante ?

Une bonne éducation familiale est l’une des clés essentielles. Prôner de saines habitudes de vie (alimentation, sommeil, gestion du stress, etc.). Accorder une grande importance aux études doit faire partie des valeurs familiale. Favoriser l’apprendre du sentiment de responsabilité, de la persévérance et transmettre un sens positif aux études.

Encourager la participation aux activités parascolaires, à des projets familiaux. Encourager dès la petite enfance la lecture et donner l’exemple comme parent de l’importance de lire des livres, des revues, des documents sur Internet, etc.

Enfin, apprendre à l’enfant à s’autoorganiser, à relever des défis et pratiquer le courage et la persévérance.

  1. Quels sont les élèves les plus à risque de décrocher l’école ?

Les garçons particulièrement en milieu défavorisé sont le plus à risque. Les jeunes qui vivent dans une famille dysfonctionnelle et ceux qui présentent des problèmes de comportement extériorisés ou intériorisés.

Les élèves qui sont dans un milieu scolaire qui ne dépiste pas les élèves à risque et qui n’apporte pas d’aide adéquat, et ce très tôt en maternelle.

  1. Est-ce que le décrochage scolaire nuit à l’avenir ou il peut y avoir quand même de bonnes opportunités d’emplois qui s’offrent à un décrocheur?

Il est plus difficile aujourd’hui que durant les années 50 – 60 ou 70 de trouver un emploi avec de bonnes conditions salariales. Le développement des technologies, la robotique et l’Intelligence artificielle remplacent plusieurs emplois de manutention qui avant pouvaient être effectués par des personnes sans diplôme minimal du secondaire ou sans formation. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

L’économiste québécois Pierre Fortin a évalué à environ 400 000$ de perte durant une vie suite au décrochage et sans diplôme.

Toutefois, malgré ces constatations, il reste possible pour une minorité de jeunes qui sont particulièrement doués en musique, en arts, en entrepreneuriat d’en arriver à se créer ou accéder à un emploi intéressant.

  1. Quels sont les moyens pour empêcher le décrochage ?

Parmi les moyens de prévention, le dépistage des jeunes à risque tôt dès la maternelle et au début du primaire; l’aide orthopédagogique, psychoéducative très tôt et le suivi des élèves à risque tout au long de leur scolarisation au primaire et au secondaire s’ils sont considérés à risque.

Pour les adolescents du secondaire, il existe des programmes de prévention. Ceux qui sont efficaces utilisent le mentorat-tutorat – Exemple : le programme du CTREQ Trait d’Union.

 

  1. Avez-vous déjà travaillé avec des décrocheurs scolaires durant votre vie ?
    Si oui, quels moyens avez-vous mis en marche pour les aider ?

J’ai travaillé durant 14 ans comme éducateur physique et psychoéducateur à Boscoville qui est un centre de rééducation pour adolescents délinquants. J’utilisais le sport comme activité psychoéducative. Parmi ces adolescents certains étaient des décrocheurs, les autres étaient à risque.

Boscoville offrait aux jeunes une expérience éducative et psychoéducative unique en son genre. C’était en quelque sorte un grand laboratoire psychoéducatif ayant pour but de développer de multiples compétences chez les jeunes afin qu’ils puissent mieux s’adapter aux différents défis qu’offre la vie au quotidien.

L’école à Boscoville se fait à l’aide d’un Système de scolarisation individualisé. Chaque jeune apprend à son rythme et part du niveau il était rendu dans les matières de base. Le sport est présent chaque jour de la semaine et parfois en soirée. L’adolescent apprend à développer des habiletés, avoir du succès pratiquer la persévérance.

La solarisation est complétée par la culture (information internationale, politique et autres) et les arts (céramique, théâtre et cinéma avec le cinéaste psychoéducateur André Melançon).

Tout au long de son séjour, l’adolescent développement sa personnalité (relation interpersonnelle, l’effort, la persévérance et le courage). Tout cet ensemble contribue à la prévention du décrochage scolaire.

  1. En quoi les enseignants peuvent avoir une influence sur les élèves à risque de décrochage ?

La relation de bienveillance exercée par les enseignants et les professionnels de l’éducation demeure un élément clé d’influence envers les élèves à risque et les autres élèves. Avoir une attitude positive envers le jeune en exprimant le message : je crois en toi qui avec le temps peut se transformer en : je crois en moi.

Dans la mesure du possible, pratiquer une pédagogie différenciée et adaptée aux élèves en difficulté; avoir   une aide en classe d’éducatrice spécialisée ou le soutien d’une orthopédagogue. S’ajoute à ceci une bonne gestion de classe (organisation, règles claires)

 

  1. Sachant que les parents ont une influence sur leurs enfants, quels comportements seraient à favoriser et à éviter pour qu’il aille une bonne persévérance scolaire?

Comme mentionné déjà, pratiquer une éducation familiale où le climat de la famille est détendu et/ou les saines habitudes de vie font partie de la vie familiale (alimentation, sommeil, activités physiques, etc.).

Très tôt, éduquer au sens des responsabilités. Le parent étant lui-même un modèle (les bottines suivent les babines – Je fais ce que je dis).

Les parents donnent de l’importance aux études et apportent l’aide nécessaire à l’enfant. Ils développent des projets en famille et les initiatives des projets des enfants.

Pour terminer, le parent père est impliqué dans l’éducation et la scolarisation des enfants, particulièrement des garçons. Il donne de l’importance aux études.

  1. Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire autant sur le sujet?

Au départ c’est la recherche en éducation et en psychoéducation qui avait pour but d’aider les jeunes en difficulté, fort probablement en lien avec mon vécu d’enfance. Moi je n’ai pas été aidé à l’école.

Après ma carrière universitaire comme professeur et chercheur j’ai été motivé à écrire sur plusieurs thèmes : la prévention du décrochage scolaire, Comprendre l’apprentissage, le lien entre la recherche et la pratique, la résilience chez les élèves à risque. Par la suite j’ai écrit sur d’autres sujets pour un plus large public : Qui sommes-nous, nous, les humains; Onze défis à relever pour mieux vivre dans le monde d’aujourd’hui et Mon journal personnel. Un outil pour mieux se connaître à tout âge.

J’étais motivé à faire connaître mon champ de connaissances et à le partager. Écrire pour moi, c’est une occasion d’apprendre, de faire une synthèse de connaissances et de partager en transmettant aux autres ce que j’ai découvert.

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