Notre double nature : animale et humaine

Notre double nature : animale et humaine[1]
Pierre Potvin 15 janvier 2021

Cyrille Barrette, biologiste et éthologue a écrit un livre vraiment intéressant et remarquablement bien écrit sur notre nature animale et notre nature humaine : La vraie nature de la bête humaine. (2020) Éditions, MultiMondes.

C’est en référence à cet ouvrage que je réfléchis sur la partie humaine en moi, le néocortex, le cerveau cognitif et la partie plus animale, le cerveau reptilien, instinctuel. Cette partie de notre cerveau héritée depuis des millions d’années et qui a, entre autres, pour rôle de défendre notre survie, de réagir à la peur, à la menace en voulant combattre ou fuir.

Ces deux parties de notre cerveau doivent collaborer ensemble, le cerveau reptilien, plus animal, réagit aux alertes de menaces alors que le cerveau cognitif prend le temps d’analyser, d’évaluer le danger et échange avec le reptilien. Toutefois, la partie animale en soi devant le danger prend souvent le dessus et le cerveau cognitif, plus lent, n’a pas le temps de doser, de réagir.

Ici il faut nuancer, car plusieurs facteurs entrent en jeu dans une situation de danger. La personnalité de l’individu avec ses expériences, ses compétences à gérer le stress, l’anxiété et la peur vient jouer dans l’exécution des rôles des deux parties du cerveau.

La peur et sa complice l’anxiété font partie des émotions les plus animales, les plus primitives. Penser à la réaction d’une foule prise dans une situation de haut danger (une explosion, un tremblement de terre, etc.) qui réagit en panique sans aucune réflexion possible et qui tente de fuir le danger par n’importe quel moyen possible. Aucune place au néocortex, au cerveau réfléchi.

Lors d’un épisode de maladie en décembre 2020 (un infarctus), j’ai vécu « dans mes tripes » ce qu’est la peur et l’anxiété. Peur de la mort, peur de ne pas m’en sortir. Les scénarios catastrophes se multipliant, l’anxiété augmentait. La raison, toutes mes connaissances, arrivait difficilement à maîtriser « l’animal » en moi, le cerveau reptilien sentait toujours la menace malgré le fait qu’en principe elle n’était plus présente. Il dominait le cerveau cognitif. C’est comme de la glace noire en hiver sur une route, vous avez beau freiner, l’auto continue de glisser dangereusement.

Ce vécu d’anxiété et de peur est d’une souffrance indescriptible. C’est l’expérience d’un choc désorganisant l’équilibre psychique et physique. Le corps réagit de multiples façons. Les deux parties sont en souffrance : la partie animale en soi et la partie humaine avec tout ce que cela implique. Ces deux parties de nous-mêmes sont complètement intriquées.

Puis, la crise passe graduellement. Cela peut prendre des semaines avant que le cerveau cognitif maîtrise et domine sur le cerveau reptilien. Il peut être nécessaire de prendre un médicament couplé avec la psychothérapie pour faciliter le recouvrement.

Je vous recommande de lire plus bas le commentaire de Patrick Daganaud qui vient très bien compléter et améliorer mon texte en y ajoutant un élément très important le rôle du cerveau limbique.

[1] Le présent texte ne doit pas être considéré comme une référence valide et scientifique. J’apporte ici mon regard sur la nature animale et humaine en me référant à l’ouvrage de Barrette, mais aussi à mes connaissances sur le fonctionnement du cerveau. J’interprète et je présente ma compréhension à partir de mon expérience et de mon savoir.

2 réflexions au sujet de « Notre double nature : animale et humaine »

  1. Bonjour, Pierre,
    Merci pour ton témoignage sensible.
    Notre nature est en effet double, animale et réfléchie. Mais il y a entre le néocortex et le cerveau reptilien (réflexe) un médiateur qui est le cerveau limbique, celui du senti, du ressenti, des affects et des émotions.
    On pourrait les considérer déliés, mais ce n’est pas le cas : ils fonctionnent en système et sont en interdépendance constante.
    Ainsi, la peur et l’anxiété qui en découle au point de nous figer dans l’appréhension et l’anticipation d’un futur funeste sont des créatures du cerveau limbique.
    L’amplitude des émotions peut affecter le système nerveux central, en atrophier des composantes et modifier la chimie des neurotransmetteurs.
    C’est le cas de l’abandon parental en situation d’absence ou de rupture du lien d’attachement.: syndrome de l’attachement.
    C’est aussi le cas du syndrome du coeur brisé ou syndrome de Takotsubo qui se caractérise par une altération du traitement des fonctions cardiaques en situation de stress émotionnel intense. Cette altération peut conduire à un infarctus, ce que l’on traduit par mourir de chagrin ou mourir d’amour..

    C’est aussi dire que notre nature dualiste est médiatisée par trois fonctions vitales qui sont :
    -le réflexe, rattaché au cerveau reptilien;
    -l’irrationnel, rattaché au cerveau limbique;
    -le rationnel, rattaché au néocortex.

    Nous voudrions bien croire que ces fonctions sont compartimentées, mais il n’en est rien.
    C’est pourquoi les lieux « scientifiques » des hauts savoirs , sacralisés par des démarches scientifiques souvent réductionnistes, dédiées à la rationalisation du comportement et du développement humains, tant matériels qu’intellectuels, échappent presque toujours la systémique complexe du dualisme humain, en rejetant l’irrationnel qui nous caractérise au moins autant que les élucubrations d’un néocortex pollué, lui-même, par le syndrome d’hubris.
    Sans doute est-ce à désespérer, mais il ne faut pas gratter longtemps le vernis humain pour que réapparaisse la bête, mue par sa survie et, pour ce, par la prédation et ses instruments : le pouvoir de dominer et celui d’accaparer…
    Nous sommes certainement l’espèce la plus dangereuse pour l’avenir de notre planète : nous sommes la bête humaine !
    2021-03-28

  2. Pierre,
    Je viens de lire ta réflexion sur notre dualité homme/animal. Elle me laisse songeur et je ne sais pas encore pourquoi.
    Je ne nie aucunement l’existence des compartiments, ceux où la survie de l’organisme est programmée dans un agencement de noyaux qui modulent les activités fondamentales de la machine que nous sommes, et ceux que nous avons avec le temps élaboré nos propres programmes en fonction de nos apprentissages.
    J’ai l’impression que nous avons rarement appris à peaufiner des programmes dans notre cortex le plus récent qui amélioreraient la bête gérée par le vieux cortex. Il me semble que c’est à ce niveau que la raison de la dualité se révèle: l’emprise de l’humain sur la bête. Car je crois qu’elle est domptable cette bête et que c’est probablement là la seule explication de l’existence de la partie humaniste de notre cerveau: vaincre la bête ou, plus habilement, faire en sorte qu’elle se soumette à l’autre cerveau. Finalement, à bien y penser, ce n’est pas la bête en nous qui est dangereuse…

    Guy Brisson

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