Mois de la Francophonie -Protégeons notre langue française _Texte de Christiane Asselin)

Mois de la Francophonie: un amour qui sauve

Christiane Asselin Trois-Rivières

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OPINION / Notre amour dure depuis bientôt 68 ans. Une si longue vie commune, c’est rare de nos jours. Vous aimeriez connaître le secret de sa solidité, de sa beauté, et celui, plus beau encore, de notre union ?

Je vais tenter de vous expliquer. Mais vous savez, l’amour n’est pas simplement aveugle. Parfois, quand il s’agit d’en parler, il se fait muet. Ce que je peux en dire, c’est que depuis toujours, il ne cesse de se renouveler. Il ne se néglige jamais. N’allez pas croire qu’il est prétentieux ! Oh non ! Il est d’une désarmante simplicité, et source constante de découvertes et d’apprentissages. Admirative, je ne veux qu’une chose: devenir ce que, profondément, je suis, mais toujours à ses côtés. Je l’aime. Que dis-je ? Je l’adore ! Nous nous sommes connus très tôt. Il était beaucoup plus âgé que moi. « Mais l’amour, m’a-t-il toujours répété, n’a pas d’âge. » J’adorais l’écouter me parler sobrement de ses racines, de son histoire, de sa vie, de ses débâcles aussi.

Croyez-le ou non, je l’ai connu dans les bras de ma mère. Quand je parlais de différence d’âge ! Il était arrivé par bateau, longtemps auparavant. Plus je grandissais, plus je savais qu’il serait mien, pour la vie. Le coup de foudre, contrairement à la croyance populaire, ça ne trompe pas.

Je le regardais s’enrichir de tout, curieux qu’il était et qu’il demeure, et je me disais: « Quand je serai grande, c’est comme lui que je serai. » Et c’est ce qui est arrivé. Nous sommes unis depuis toutes ces années. De plus, nous laisserons un legs à ceux que nous aimons d’une tendresse si maternelle. Nos enfants.

Nous avons du monde une vision élargie, accueillante et ouverte. Il m’a appris à inventer, à mettre des mots sur tout, à ne jamais être prise au dépourvu. À accueillir. À donner.

Nous avons pris soin l’un de l’autre, nous avons veillé quotidiennement au sens que nous donnions à chacun de nos engagements, et ce, de notre vie de couple aux conversations que nous entretenions avec nos amis, jusqu’à nos communications sociales. Nous avons toujours agi pour demeurer ouverts, respectueux et passionnés. Aussi, quand il le fallait, nous sommes montés aux barricades. C’est ce que nous nous apprêtons à faire à nouveau, doucement, mais solidement, avec un seul et même objectif : la survie de notre passion.

Depuis 1763, lui et ses ancêtres ont appris à protéger le fort, si menacé. Le Traité de Paris venait de signer sa mort. Mais en 2021, il est encore là. Toujours debout, en paroles et en musique. Oui, le français est encore là. Mais de plus en plus, il crie à l’aide.

Nous l’avons épousé. Restons solidement ancrés à ce qu’il nous a donné : l’amour de la langue et de sa richesse, la fierté d’en être porteurs, représentants et défenseurs.

Un peuple sans voix est un peuple sans objectif, sans amour et sans pouvoir. Ce n’est pas d’une journée de Francofête dont nous avons besoin, si belle et nécessaire soit-elle, ni d’un mois où nous tenons notre amour à bout de bras, mais d’une surveillance quotidienne, annuelle et constante, d’un état de veille permanent. Notre langue se dirige vers les soins intensifs.

Une langue, c’est aussi beau que fragile. Ça meurt facilement, étouffé par la masse. Oui, servons-nous du mois désigné, de la journée de la Francofête, idée lumineuse, et ajoutons-y l’année entière. Renouvelons ce contrat annuellement. Il en va de notre survie.

Christiane Asselin est l’autrice de : Les fameuses recettes de grammaire

Les fameuses recettes de grammaire – Christiane Asselin

 

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