De toute beauté ce texte de Michel Rivard
Texte de Michel Rivard sur le vieillissement
Chers aîné(e)s,
Ça me fait tout drôle de m’adresser à vous de cette façon alors que je viens à peine de fêter mes soixante-neuf ans.
Déjà quatre ans que j’ai passé le cap des petits chèques qui arrivent tous seuls, dans mon compte, des réductions au cinéma, au café…
La première fois que j’ai utilisé mon rabais de soixante-cinq ans au cinéma, le film s’intitulait « Juste la fin du monde »… j’avais eu un petit frisson!
Par contre, quand j’ai mentionné mon soixante-cinq pour avoir mon rabais sur le café en grain, la vendeuse m’a dit:
– « Mais Monsieur Rivard, vous les faites pas! »
Je lui ai tout de suite répondu: -« Je les fais peut-être pas, là-là, mais ayez pas peur, je les ai faits! »
Donc, j’ai soixante-neuf ans!
Qu’est-ce que ça fait de moi? Un presqu’aîné? Un vieux jeune? Un jeune vieux?
Ne jouons pas sur les mots, ni sur les chiffres.
Nous avons l’âge que nous avons, les souvenirs qui viennent avec… et le corps qui les a vécus.
Nous avons, vous comme moi, le désir de vivre le mieux possible le temps que la vie nous accorde, et de le vivre avec le plus de santé possible, physiquement, mentalement et spirituellement.
Cependant nous sommes, vous comme moi, réalistes. J’ai déjà ma part de petits problèmes de santé, de petits bouts de mon corps qui fonctionnent un peu moins bien qu’avant, des fois même pas du tout! Des moments où je demande à mon corps d’effectuer des opérations qui me semblent banales, mais où il me répond « hmmm… pas cette fois-ci! ».
Ça nous arrive à tous, ça s’appelle « vieillir » et savez-vous quoi ? Malgré les ennuis connexes, j’haïs pas ça pantoute. J’aime le recul que ça me procure, le détachement par rapport à certaines futilités de l’existence auxquelles j’ai déjà accordé beaucoup d’importance et que je regarde maintenant de loin, sourire en coin, en me disant qu’il fallait être fou pour faire ça… ou pour m’en faire avec ça ! Mais voilà, je l’ai fait (ou je me le suis fait faire) et ça fait maintenant partie de mes souvenirs.
J’aime vieillir quand je me retrouve avec mon petit-fils de deux ans et demi, quand je joue à quatre pattes (ouch!) avec cette petite boule de vie, deux générations plus loin que moi, et dans laquelle je me reconnais tellement. Quel bonheur de sentir qu’on se prolonge ! Pas seulement dans nos enfants et nos petits-enfants, tout le monde n’a pas cette chance, mais aussi dans ce qu’on peut se transmettre, dans toute cette expérience que l’on peut et que l’on doit partager. C’est ça, vieillir en beauté. C’est aussi ce que notre société devrait comprendre mieux et accorder plus d’importance aux aînés dans la transmission des valeurs et des connaissances vécues.
Nous avons, vous comme moi, de belles histoires à raconter.
Parlant de souvenirs, de passé, de mémoire, j’ai appris beaucoup de ces simples mots : « pas de regrets, pas de remords ». C’est presque simpliste, mais tellement difficile à mettre en pratique.
On a tous notre lot de « si j’avais su », de « j’aurais donc dû », même si nous savons tous au fin fond de nous-même qu’il n’y a pas de retour possible, que le passé est passé et que c’est ici et maintenant que ça se passe pour vrai. Vivre ici et maintenant avec nous-mêmes tels que nous sommes, accepter et apprécier surtout le passage du temps, sans craindre l’avenir. On a tous un peu peur du lendemain alors qu’on ne sait rien de ce qui va arriver. Bien sûr, on en a une petite idée, on attend quelqu’un ou on a quelque chose à faire, on sait ce qu’on va manger pour souper, on s’est fait des plans… mais la vie, là, c’est tout ce qui nous arrive sans prévenir, pendant qu’on est occupés à se faire des plans, justement.
Une de mes blagues préférées:
– « Comment faire rire Le Bon Dieu? »
– « Raconte-lui tes projets! »
Comme je l’ai écrit dans ma chanson « Et on avance », «…demain n’est jamais celui qu’on pense», mais on peut et on doit rêver, c’est gratuit. À partir du moment où on s’accepte tel qu’on est, avec notre âge et nos bobos, et qu’on apprécie le temps qui passe, on a le droit de rêver les projets les plus fous. Le pire qui peut arriver, c’est qu’ils se réalisent.
J’aimerais vous laisser avec ma petite variation sur la prière des AA. J’avais onze ans quand mon père s’est sorti de son alcoolisme. Il avait collé sur la porte du frigidaire une copie de la fameuse prière. Si on enlève le « Mon Dieu » du début et qu’on la met à la première personne du pluriel, ça donne:
– « Donnons-nous la Sérénité d’accepter les choses que nous ne pouvons changer, le Courage de changer celles que nous pouvons, et la Sagesse d’en connaître la différence… »
Je trouve que ça a ben de l’allure… et je vous souhaite une glorieuse journée!