Débat de société : agression sexuelle, abus de pouvoir et relation homme-femme

 

État de situation

Depuis quelques semaines, au Québec entre autres, une multitude d’accusations d’agressions sexuelles sortent au grand jour sur la place publique, dans les journaux et sur les réseaux sociaux. Le tout a débuté par les accusations d’agressions sexuelles sur des actrices de renoms par le grand producteur Hollywoodien Harvey Weinstein, une figure adulée d’Hollywood. Puis ici au Québec des accusations de deux grands producteurs dans le monde artistique : Gilbert Rozon (Production Juste pour Rire) et Éric Salvail (animateur et producteur d’émissions de variétés à la télévision). Par la suite, d’autres révélations se sont poursuivies touchant un animateur de la radio et un journaliste.

L’analyse qui va suivre en prenant pour exemple les situations présentées plus haut et qui touchent le monde artistique peut également servir de modèle d’explication à toutes les autres formes d’abus qui mettent en jeu une personne dominante (l’agresseur) souvent en autorité ou de prestige qui abuse et agresse une personne vulnérable qui devient la victime. On peut retrouver les situations suivantes qui sont similaires: la violence conjugale, l’intimidation en milieu de travail ou à l’école, la cyber intimidation, le harcèlement sexuel, les agressions faites à des enfants par des religieux, etc.

Points importants à considérer sur les causes possibles |1|  

Dans l’ensemble des cas dévoilés l’on est au cœur de la relation homme-femme, sauf dans le cas d’Éric Salvail ou c’est une relation homme-homme.

            Caractéristiques des agresseurs

Que ce soit Weinstein, Rozon ou Salvail, ces trois personnages sont des hommes qui ont bâti un « empire ». Ils étaient aussi des employeurs, entre autres,  de femmes. Ils avaient un prestige, une renommée et beaucoup de pouvoir sur leur entourage et particulièrement sur leurs employés. Jusqu’à un certain point, ils étaient adulés, reconnus pour leur talent exceptionnel. Leur pouvoir leur permettait d’agir d’une façon inacceptable qui aurait été rapidement décriée si ces gestes d’agressions avaient été commis par le commun des mortels.

            Caractéristiques des victimes

Les victimes sont habituellement des femmes. Dans le cas de Salvail, des hommes, car il est gai (homosexuel). Souvent dans un contexte de vulnérabilité d’emploi ou d’économie (violence conjugale). En milieu artistique, les femmes (artistes, comédiennes, chanteuses, etc.) ont un emploi précaire et dépendent de l’employeur qui dans le cas qu’on analyse a ce pouvoir de choisir ou de rejeter. Favoriser une carrière ou lui nuire. Pour la victime d’agression, refuser ou dénoncer devient dangereux pour la suite de sa carrière. L’agresseur le sait très bien et peut profiter de son pouvoir.

            La dynamique du processus de domination [2]

L’on parle ici d’agression sexuelle, mais le problème de fond est celui d’une relation de domination. Dans le cas présent, l’agresseur répond à deux besoins : dominer et le sexe. L’autre personne, la victime est là pour répondre à ses besoins. Pour ce faire, le contrôle est fondamental et établir ou accentuer la situation de vulnérabilité de la victime est une stratégie de domination. L’environnement « culturel » actuel avec la banalisation de la pornographie et son accès sans limites favorise cette conception de relation inégalitaire à sens unique. Habituellement en pornographie, la femme est au service de l’homme et « bêtement » instrumentalisée. Les rapports égalitaires n’existent pas.

Dans ce processus de domination, le dominant, l’agresseur se nourrit d’une relation à sens unique : soit la réponse à ses besoins, peu importe l’accord ou le désaccord de l’autre (la victime).  C’est d’ailleurs ce qui à été le déclencheur du mouvement au Québec « Sans un oui, c’est non ».

Quelques propositions de solutions

Jusqu’à un certain point, ce processus de domination tire ses origines de nos lointains ancêtres. L’observation du monde animal et la théorie Darwinienne de l’évolution nous montrent assez bien comment les organismes fonctionnent au naturel pour survivre et s’assurer de reproduire l’espèce. Les plus forts, les dominants ont plus de chance de transmettre leurs gènes. L’Homo sapiens que nous sommes a en héritage ces dynamiques. Toutefois, tout n’est pas aussi simple que « le gros poissons mangent les petits poissons », car au sein même de la nature, la coopération et la collaboration existent, et ce, pas seulement chez l’homo sapiens que nous sommes. De plus, nous ne sommes pas seulement des répliques « animales », s’ajoute à cette animalité naturelle, la culture, l’éthique, la socialisation par l’éducation. Il ne reste donc plus aucune raison justifiable à la domination et aux agressions.

Dénoncer

Pour en finir avec les abus de pouvoir, il faut absolument dénoncer de telle sorte que les agresseurs vivent les conséquences de leurs actes. Si aujourd’hui il y a autant de situations d’agression, c’est, entre autres, parce que les agresseurs (délinquants) n’ont pas suffisamment vécu de conséquences à leurs actes. Ils sont comme immunisés.

Pour dénoncer, il faut aussi sortir de l’état de vulnérabilité. L’un des moyens c’est de le faire en association avec d’autres victimes. Ceci devient une force. C’est ce qui se passe actuellement. L’agresseur fait face à une force plus grande que lui.

Dans les situations d’abus et d’agression, les témoins doivent aussi dénoncer, éviter de se taire et ne pas accepter des situations de harcèlement ou d’intimidation ou de propos inacceptables.

Éduquer

L’éducation est l’une des armes les plus puissantes en ce qui concerne les relations interpersonnelles et la sexualité. L’on ne le dira jamais assez, les comportements humains s’apprennent au départ dans la famille puis à l’école. Les parents doivent eux-mêmes être des modèles de relation égalitaire et transmettent à leurs enfants cette valeur. À l’école, l’éducation à la sexualité dès le troisième cycle du primaire doit devenir une priorité. Dans cette éducation la sexualité, les relations égalitaires garçons-filles, adolescents-adolescentes doivent faire partie du fondamental.

Améliorer les conditions de travail

Les situations de vulnérabilité au travail favorisent l’abus de pouvoir. Il devient très important de s’assurer que les travailleurs et travailleuses soient protégés et puissent avoir des recours permettant de dénoncer les abus de pouvoir.

Revoir le processus judiciaire

Il est actuellement reconnu que les causes d’agressions sexuelles qui se retrouvent en justice subissent un processus lourd et coûteux. C’est à la victime de faire la preuve dans notre système de justice et l’agresseur est toujours présumé innocent. Il faut revoir ce processus judiciaire afin de faciliter les dénonciations.


|1| Ce que j’énonce dans ce texte comme « causes possibles » reste non exhaustif et limité. 

[2] Je me réfère au Processus de Domination Conjugale (PDC) tel que développé par Denise Tremblay et son équipe. D. Tremblay est psychologue et Directrice de La Séjournelle (maison pour femme victime de violence conjugale). Durant 20 ans j’ai réalisé des travaux de recherche en VC avec cette équipe.


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Voici article sur Françoise Héritier : sur la question des rapports homme-femme.  Cette ethnologue et anthropologue n’a cessé de déconstruire les idées reçues sur le masculin et le féminin.

 « Il faut anéantir l’idée d’un désir masculin irrépressible »

Note: Une bonne partie de l’article porte sur son enfance, ses études – la préparation à sa carrière universitaire d’ethnologue et d’anthropologue. Puis vers la fin de l’article elle déconstruit complètement le mythe des différences homme femme à partir de:  « Après des travaux sur la parenté, l’alliance, le corps, l’inceste, c’est l’universalité de la domination masculine qui a rapidement concentré votre attention »

http://mobile.lemonde.fr/societe/article/2017/11/05/francoise-heritier-j-ai-toujours-dit-a-mes-etudiantes-osez-foncez_5210397_3224.html?xtref=http%3A%2F%2Fm.facebook.com%2F

Une réflexion au sujet de « Débat de société : agression sexuelle, abus de pouvoir et relation homme-femme »

  1. Le patriarcat est le système socio-politique qui organise l’oppression. C’est l’oppression qui crée le genre: la hiérarchie de la division du travail est antérieure à la division technique du travail et crée celle-ci: crée les rôles sexuels, ce qu’on appelle le genre; et que le genre à son tour crée le sexe anatomique dans le sens que cette partition hiérarchique de l’humanité en deux transforme en distinction pour la pratique sociale une différence anatomique en elle-même dépourvue d’implications sociales ; que la pratique sociale transforme en catégorie de pensée un fait physique en lui-même dépourvu de sens comme tous les faits physiques. C’est donc au patriarcat, entre autres, qu’il faut s’attaquer si l’on veut changer de façon structurelle la domination et l’oppression.

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