Quelques résultats du dépistage des élèves à risque au préscolaire et au primaire

Exemple au Québec (Durant les année 2010 à 2014)

Le dépistage des élèves à risque au préscolaire et au primaire[1]

À la suite d’une étude longitudinale, ainsi qu’à un processus de transfert de connaissances avec le soutien du Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ), Potvin et ses collaborateurs (Leclerc, Potvin et Massé, 2016 ; Potvin et Lapointe, 2010 ; Potvin et Paradis, 2000) ont pu développer un logiciel de dépistage des élèves à risque au préscolaire et au primaire : Premiers signes

Premiers signes est un outil gratuit qui permet de dépister les élèves à risque en maternelle et au primaire. Le dépistage est réalisé par l’enseignante[2] titulaire du groupe-classe qui répond à trois questionnaires validés lors de l’étude longitudinale de Potvin et Paradis (2000). Le premier questionnaire sert à déterminer comment l’enseignante perçoit le cheminement futur de chaque élève. Quatre cheminements scolaires sont présentés, dont deux permettent de voir si l’élève est à risque. Le deuxième questionnaire présente la typologie de six types d’élèves, typologie déjà présentée au chapitre précédent. Parmi ces six descriptions d’élèves, l’enseignante doit sélectionner celle qui s’applique le mieux à chacun soit :

  1. Le bon élève
  2. L’élève indifférent
  3. L’élève avec difficultés de comportement extériorisées
  4. L’élève avec difficultés de comportement intériorisées
  5. L’élève avec difficultés d’apprentissage
  6. L’élève peu motivé

Les élèves qui correspondent aux types 3 à 6 sont à risque.

Le troisième questionnaire propose une échelle sémantique différentielle composée de 18 adjectifs bipolaires (adjectifs négatifs et adjectifs contraires positifs). L’enseignant doit décrire l’élève spontanément, en choisissant les adjectifs qui le caractérisent le mieux. Si les scores sont négatifs, le questionnaire permet de situer le degré de sévérité du risque chez l’élève.

Par la suite, le logiciel compile les réponses et produit un bilan. On peut y voir si l’élève est à risque ou pas, le degré de risque (faible, modéré, sévère, sévère aggravé) et l’un des six types pour chaque élève.

Une étude longitudinale de la maternelle à la fin du secondaire (Leclerc, Potvin et Massé, 2016) utilisant les données provenant des trois instruments du logiciel Premiers signes permet de classer correctement 85,5 % des diplômés et 60,8 % des non-diplômés, pour un classement correct de 81,4 % de l’ensemble de l’échantillon.

Statistiques des élèves à risque au préscolaire et au primaire

Au Québec, le ministère de l’Éducation produit des statistiques (indicateurs) sur les taux de diplomation et les taux de décrochage, et ce, tant au secteur public qu’au privé. De plus, des statistiques sont présentées pour les élèves handicapés et en difficulté d’apprentissage et d’adaptation (EHDAA). À notre connaissance, il n’existe pas de statistiques du ministère pour les élèves à risque.

Les statistiques présentées ici proviennent du projet de dépistage d’élèves à risque avec le logiciel Premiers signes. Trois commissions scolaires (CS : A, B, C) ont participé à ce projet, dont deux dans la grande région de la Mauricie et une à Montréal (voir Tableau 1). Quelque 31 écoles ont participé, pour un total de 3160 élèves de la maternelle 5 ans à la sixième année du primaire.

Tableau 1

Nombre d’écoles, d’enseignants et d’élèves participant au dépistage

Nbre d’écoles, d’enseignants et d’élèves participants au dépistage

3 CS : A, B, C

Nbre d’écoles Nbre d’enseignants Nbre d’élèves
CS A 14 120 1619
CS B 11 78 839
CS C 6 41 702
31 239 3 160

Le dépistage s’est effectué auprès de deux types d’écoles : les écoles dites régulières, dont l’indice socioéconomique (IMSÉ) — tel que calculé par le ministère de l’Éducation — se situe entre 1 et 7 centiles (1 étant le plus favorisé). Les autres écoles se situent en milieu défavorisé, avec un indice de 8 à 10 centiles (10 étant le plus défavorisé). Ce sont des écoles que soutient le programme du ministère de l’Éducation : Stratégie d’intervention agir autrement (SIAA). Le Tableau 2 présente les pourcentages de risque selon les types d’écoles et le sexe des élèves. Il est possible d’observer qu’au régulier, les enseignantes ont répertorié 26 % des élèves comme étant à risque, alors qu’en milieu défavorisé, le taux augmente à 33 %. De plus, la proportion de garçons à risque est plus élevée, se situant à 36 %, par rapport à 24 % chez les filles.

Tableau 2

Comparaison des pourcentages de risque selon le type d’écoles et le sexe des élèves

Types d’écoles Nbre À Risque À Risque Garçons À Risque Filles
Régulier 614 158 26 % 96 30 % 62 21 %
SIAA 1005 330 33 % 206 40 % 124 25 %
Total 1619 488 30 % 302 36 % 186 24 %

Du point de vue du type de difficultés que présentent les élèves à risque, le Tableau 3 présente les résultats suivants : les difficultés d’apprentissage — avec 43 % des élèves à risque — sont les plus fréquemment mentionnées. Suivent les difficultés de comportement extériorisées (30 %) et les difficultés de comportement intériorisées avec 18 %, puis les élèves peu motivés (9 %).

Tableau 3

Pourcentage d’élèves à risque selon le type de difficultés

% selon le type de difficultés
3 CS N = 3160
Type de difficultés Nbre %
Apprentissage 546 43 %
Extériorisé 379 30 %
Intériorisé 229 18 %
Peu motivé 118 9 %

L’importance de repérer le plus tôt possible les élèves à risque avait été constatée lors d’une étude longitudinale (Potvin et Paradis, 2000 ; Leclerc, Potvin et Massé, 2016). Cette étude révélait que 21,6 % des élèves de la maternelle étaient en difficulté scolaire. À la fin du secondaire, soit 11 ans plus tard, 76,7 % de ces élèves qui éprouvaient des difficultés en maternelle n’étaient pas qualifiés (pas de diplôme, d’attestation ou de certificat). Parmi ces élèves, 48,9 % étaient en retard dans leur cheminement scolaire, c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas obtenu de diplôme après 5 années de secondaire et 27,6 % avaient décroché de l’école.

[1] Extrait du livre de Potvin, P. (2018) Élève à risque d’échec scolaire. Un regard sur la résilience et les facteurs de protection. Béliveau Éditeur (p.52-57)

[2] Considérant qu’au primaire, il y a majorité de femmes enseignantes, je féminise le terme « enseignant ».