Médecins inc., ou quand l’équité fiscale tombe malade
L’incorporation des médecins au Québec Est une anomalie qui affaiblit notre fiscalité
Texte de Jérôme Soucy – Le Devoir, 26 sept. 2025
Extraits réalisés par Raynald Horth (- 13-10-2025)
En 2007, Philippe Couillard, alors ministre de la Santé et des Services sociaux, dans le gouvernement Charest, a accordé à ses confrères médecins un privilège discret mais lourd de conséquences : LE DROIT DE S’INCORPORER. Plutôt que d’annoncer une hausse trop voyante des tarifs payés à l’acte, le gouvernement avait choisi une voie plus subtile. En permettant aux médecins de créer une SOCIÉTÉ PROFESSIONNELLE, ON LEUR DONNAIT ACCÈS À DES AVANTAGES FISCAUX NORMALEMENT RÉSERVÉS AUX ENTREPRISES TOUT EN BROUILLANT LE VÉRITABLE COÛT DE LA MESURE.
Un médecin incorporé peut ainsi accumuler dans sa compagnie ( son entreprise ) des revenus excédentaires durant ses années les plus actives. Plutôt que de tout retirer et d’être imposé au maximum, il laisse dormir des sommes dans sa compagnie ( son entreprise ), où l’impôt est plus faible. Dans la cinquantaine, après avoir amassé un capital considérable, il peut réduire sa pratique, travailler deux ou trois jours par semaine et maintenir son train de vie en pigeant graduellement dans sa compagnie ( son entreprise ). L’incorporation lui permet ainsi d’alléger sa facture fiscale et de financer une semi-retraite grâce à l’argent public ( payé par les impôts des contribuables qui n’ont pas de compagnie ou d’entreprise pour faire de l’évasion fiscale ).
Quand ils réclament des augmentations, les médecins comparent souvent leurs revenus à ceux de leurs confrères ailleurs au Canada ou dans le G7. Mais ils oublient de comparer leurs avantages fiscaux. Au Royaume-Uni, la majorité sont salariés du système public, exactement comme une infirmière ou un enseignant. En France et en Italie, les spécialistes des hôpitaux sont eux aussi des salariés du système public et imposés au même titre que les autres fonctionnaires. En Allemagne, les médecins de famille sont payés à l’acte, mais leurs revenus sont imposés comme ceux de n’importe quel travailleur autonome, sans possibilité de compagnie ou d’entreprise-écran.
Bref, le Québec fait figure d’exception. Ici, des médecins financés à 100% par l’État peuvent profiter d’avantages fiscaux que les autres citoyens n’ont pas. Cette asymétrie mine la confiance dans l’équité du système fiscal.
Adoptée discrètement en 2007, cette mesure a laissé 18 ans plus tard un héritage toxique : perte de revenus pour l’État et un sentiment d’injustice dans la population. Le Québec ne peut pas éternellement traiter MÉDECINS INC. comme un patient intouchable. L’injustice fiscale doit être soignée à la racine. C’est le seul remède valable pour rétablir l’équité.