On parle d’un Institut d’excellence en éducation, de la recherche pour éclairer les pratiques enseignantes et l’intervention qui s’appuie sur des données probantes.
Je suis en partie en faveur de ces fondements. J’ai écrit un livre sur le sujet : Alliance entre le savoir issu de la recherche et le savoir d’expérience. Je ne peux pas être contre « la vertu ».
Je suis 100 % d’accord qu’il ne faille pas en éducation (en milieu scolaire) être orienté par le goût du jour, les modes « pédagogiques » et les inventions « non fondées » ou mal évaluées.
Toutefois, il y a en moi une petite voix qui me dit « attention » le savoir, les bonnes pratiques en éducation (scolaire ou familiale) ne peuvent pas se baser uniquement sur la recherche universitaire. Le savoir d’expérience de l’enseignant qui a une pratique réflexive, qui partage son expérience avec des collègues, qui s’accorde de la formation continue en participant à des colloques, qui éclaire sa pratique avec certaines théories et qui observe et évalue les effets de ses pratiques sur les apprentissages de ses élèves, a pour moi autant de valeur pour la pratique que la recherche.
Le gros problème de la recherche (pour qu’elle soit valide et publiable) c’est que pour avoir une bonne validité elle doit mettre en place de multiples contrôles pour éviter divers biais. Les conditions de validité sont liées à ces contrôles qui souvent ne représentent pas la réalité d’un milieu « ordinaire ». Alors, plus on s’éloigne des conditions originales et plus la validité baisse.
L’avantage du savoir d’expérience, c’est qu’il se construit sur le quotidien et la réalité du terrain avec les moyens du bord.
L’idéal c’est ce que j’ai écrit dans mon livre, la combinaison (alliance) de la recherche (les chercheurs) et du savoir d’expérience (les praticiens). À la condition que les deux parties (chercheurs et praticiens) fassent équipe et travaillent en partenariat en se considérant les uns et les autres comme indispensables et ce du début à la fin d’un projet.
Un deuxième aspect de ma réflexion qui me déséquilibre avec la question des « bonnes pratiques » et des « données probantes » c’est de concevoir qu’un enseignant devienne « l’applicateur » de pratiques « préformatées » de démarches planifiées et bien validées.
Je crois que l’éducation est une « science humaine » qui nécessite de la flexibilité, de la créativité, de la passion. Qu’il doit y avoir une place pour l’innovation, la créativité, le risque. Il me semble que l’enseignant « efficace » est celui qui oui est influencé par les orientations de la recherche, mais qui reste critique, inventif, et maître de l’environnement des situations d’apprentissage. Ce n’est surtout pas un technicien applicateur de méthodes.
Que ce soit l’institut d’excellence en éducation, ou la recherche, ou l’information sur des pratiques qui s’appuient sur des données probantes, tout ça ne devrait qu’être un éclairage d’orientation possible pour l’enseignant qui selon moi est un professionnel qui devrait faire partie d’un ordre professionnel.
Selon mes souvenirs, mes meilleurs enseignants étaient des passionnés pour ce qu’ils enseignaient (français, mathématiques, chimie, éducation physique), établissaient une relation de bienveillance avec nous les élèves de la classe, nous transmettaient cette conviction qu’on apprendrait.
En conclusion, soyons prudent avec la gestion axée sur les résultats, la recherche de l’excellence et les hauts niveaux de la performance, les bonnes pratiques, les données probantes, la recherche… « l’autorité que nous donne la vérité ».
Ne prenez pas ma réflexion pour une « survalorisation de l’expérience », car le savoir d’expérience n’a de valeur à mes yeux que s’il rencontre les conditions que j’ai énumérées plus haut (analyse, réflexion, observation, partage, évaluation, théorie).
Très intéressant le regard critique de Pierre Potvin.