Introduction
On le sait, le comportement humain, la motivation, les émotions sont des produits de notre cerveau. Chaque geste, chaque émotion et chaque pensée mettent en jeu une activité neuronale complexe avec la participation de différentes régions du cerveau et l’entrée en jeu de neurotransmetteurs, d’hormones, d’activités biochimiques et électriques.
Un aspect de notre cerveau qui me fascine, c’est le circuit de récompense. Qu’est-ce qui se passe lorsque nous avons un besoin vital ou non vital? Quelle est la place du désir, de la récompense ou du plaisir dans la réponse à un besoin?
Ce texte se réfère à deux sources principales : Pierre Potvin (2017). Qui sommes-nous, nous, les humains? et Bernard Sablonnière (2012). La chimie des sentiments.
Le circuit de récompense
Le neuroscientifique Damasio (1999) fait observer que la récompense conduit les organismes à s’ouvrir et à se tourner vers leur environnement, à l’approcher, à le rechercher, et ce faisant, à augmenter et leur chance de survie et leur vulnérabilité. Au contraire, la punition conduit les organismes à se refermer sur eux-mêmes, à se figer et à se retirer de leur entourage.
Afin de favoriser la survie de l’espèce, la nature a prévu de nous récompenser lorsqu’on assumait nos fonctions vitales, comme se nourrir, réagir à l’agression et se reproduire. Au cours de l’évolution de notre espèce, s’est développé dans notre cerveau un circuit de neurones dans des régions dont le rôle est de récompenser l’exécution de ces fonctions vitales par une sensation agréable (le plaisir, la sensation de satisfaction lors de la réponse à un besoin).
Ce réseau pour la récompense et la punition relie des régions parmi les plus primitives du cerveau. La zone du mésencéphale, l’aire tegmentale ventrale, qui reçoit des informations sur les besoins de l’organisme lié à la satisfaction de nos besoins vitaux. C’est aussi un circuit d’apprentissage qui nous incite à renouveler les expériences agréables acquises au cours de notre existence. Associé à la mémoire, ce réseau est à la base de nos motivations et donc de la plupart de nos comportements. Il est à la base des résultats qui récompensent nos efforts, des sensations agréables, des compliments ou des gratifications qui nous incitent tout naturellement à reproduire les comportements et à persévérer .
Le processus de récompense, ou de renforcement, lors de la réalisation de nos comportements est fondamentale, puisqu’il favorise la reproduction ou la répétition de nos comportements. Il est indispensable à notre survie, car il nous fournit la motivation nécessaire à la réalisation des actions ou des comportements qui nous protègent et nous permettent de survivre.
Ce système de renforcement est constitué d’une composante affective en lien avec le plaisir provoqué par les récompenses (sensation agréable), ou au déplaisir provoqué par les « punitions » (l’inhibition du plaisir, le blocage et la sensation désagréable), d’une composante motivationnelle en lien avec le désir d’obtenir la récompense ou à éviter l’état désagréable et enfin d’une composante cognitive évaluative de l’importance de l’événement ou de la situation, soit l’attribution du sens.
Pour Sablonnière (2012), ce médecin chercheur en biologie moléculaire, désirer c’est se mobiliser et activer un comportement menant à l’acquisition de l’objet désiré ou au but à atteindre qui a pour conséquence, lors de l’atteinte, de ressentir le plaisir provoqué par la récompense. Le désir se situe à mi-chemin entre le besoin et la récompense (le plaisir).
Il existe un trio important dans notre organisme : le besoin, le désir et le plaisir qui sont associés au circuit de récompense qui lui est programmé dans notre cerveau. Au départ, il y a le besoin auquel est associé le désir qui est cet empressement à trouver l’objet qui nous manque (la nourriture, les objets de consommation, le pouvoir ou l’argent). « Le désir déclenche un ressenti, véritable moteur du comportement motivé par l’obtention d’une récompense (le plaisir ».
Regardons maintenant le processus neurobiologique de l’action du circuit de récompense tel que le présente Sablonnière (2012, p. 108). « Lorsqu’une récompense est en vue, le désir est déclenché par la libération dans le tronc cérébral d’un neurotransmetteur, la dopamine. Celle-ci active différentes régions du circuit de la récompense : les ganglions de la base du striatum et pallidum, le noyau accumbens, l’amygdale et le cortex orbitofrontal. Ce qui déclenche un comportement impulsif et nous pousse à agir. Une fois la récompense obtenue, la dopamine active la libération des neurotransmetteurs du plaisir : endorphine, endocannabinoïde et sérétonine. Les neurotransmetteurs du plaisir exercent des effets euphoriques et relaxants. Ils diminuent le stress, l’anxiété et induisent la sensation de bien-être et celle du plaisir ».
Sablonnière (2012, p. 109) poursuit son analyse du circuit cérébral de la récompense en décrivant ce qui se passe dans le cerveau :
-
Les perceptions sensorielles de l’objet du désir (ex : l’odeur d’un croissant au beurre, le visage d’un être aimé) intégrées dans le cortex parviennent à deux régions du tronc cérébral, l’aire tegmentale ventrale et le noyau accumbens, déclenchant la libération de dopamine.
-
Cela active le cerveau limbique (cerveau des émotions), qui analyse l’affect émotionnel (agréable ou désagréable) de l’objet du désir.
-
Parallèlement, le cortex préfrontal va prendre ou non la décision d’aller vers cet objet.
-
Le noyau accumbens envoie alors les informations liées à cette décision vers le tronc cérébral et les voies motrices pour enclencher l’action (ex : entrer dans la boulangerie ou embrasser son partenaire).
-
Une fois la récompense obtenue, l’activation de l’hypothalamus va donner naissance aux ressentis affectifs et corporels du plaisir ( chaleur, joie, sensation de bien-être).
« Le circuit de récompense (besoin-désir-plaisir -récompense), se déclenche pour tout comportement de motivation. C’est la perspective d’une récompense ultérieure (argent, affection, pouvoir, etc.) qui nous incite à produire un effort physique ou mental » (Sablonnière (2012, p. 109)
Application
(un essai – non validé)
Pour mieux voir les schémas cliquez dessus
Note. Disons que c’est un peu plus complexe que cela dans la réalité, car entre en jeu d’autres facteurs qui vont favoriser ou entraver l’action, l’obtention du désir et la satisfaction.
Prenons l’exemple du besoin vital qu’est la faim. Pour réaliser le désir de manger, il faut avoir accès à la nourriture. Aussi, si je dois respecter un régime, il se peut qu’entre en jeu une interdiction de satisfaire le besoin de manger, pour le moment, etc. L’analyse qui va se faire dans le cortex préfrontal va m’amener vers une autre solution pour répondre à mon besoin, ou de ne pas y répondre.
L’autre exemple, la solitude. Lorsque vient le désir de voir des amis, il y a un processus d’analyse de l’affect (agréable ou désagréable). Je vais m’interroger à savoir si c’est la bonne solution. Le souvenir de la dernière rencontre avec des amis, si ce fut désagréable, il est possible que cette solution doive être remplacée par une autre. Vous voyez que finalement c’est complexe.
Si vous avez une façon d’analyser ces exemple ou le processus du circuit de récompense vous êtes bienvenues dans la zone des commentaires.
Références
Potvin, P. (2017). Qui sommes-nous, nous, les humains. Les Éditions Première chance. Chapitre 6 Le cerveau – Le cerveau et le système de récompense et de punition (p. 89-93).
Bernard Sablonnière (2012). La chimie des sentiments. Éditions Jean-Claude Gawsewitch 199 p.(UQTR – QP 401 S23)
Bernard Sablonnière est médecin biologiste, professeur de biologie moléculaire à l’université Lille-II, chercheur à l’Iserme, spécialiste des maladies neurodégénératives.
Autres livres de Bernard Sablonnière
Bernard Sablonnière (2016). Les nouveaux territoires du cerveau. Éditions Odile Jacob sciences 237 p. (UQTR – QP 376 S233)
Bernard Sablonnière (2013). Le cerveau. Les clés de son développement et de sa longévité. Éditions Jean-Claude Gawsewitch 255 p. (UQTR – QP 376 S23)
Chouette explication, merci pour votre travail
Oui, merci pour ce beau travail, je me permets de me laisser aller sans me relire, le sujet est très intéressant et mon temps est limité actuellement, alors :
Je dirais que de même on se pose la question sur l’effet de la culture et le juste milieu. Petits, nous étions dans le principe du plaisir, la réalité ne prend sens qu’une fois l’éducation nous y initie, voire nous l’impose. On dirait que la culture nous « pervertie » car elle nous fait sortir de notre nature spontanée basée sur le plaisir pour nous rendre plus « acceptables » socialement, par notre respect de la réalité! C’est à dire un mal pour le bien… Sauf que, parfois chercher à plaire gratifie et condamne en même temps. Car, ce bien n’est pas perçu de la même façon par tous: certains l’ont reçu brusquement, avec force, d’autres avec modération et dans l’amour des valeurs; certains dans le respect, d’autres dans la domination et l’injustice. Notre cerveau (qui, lui, ne reconnait pas le négatif) aura du mal à comprendre, il ne pourra jamais intégrer des valeurs qu’il perçoit comme négatives. Ce qui est intégré dans notre cerveau, c’est ce qui a du sens positif qu’il nous restitue à chaque fois qu’il y a besoin; le négatif, lui, ne sera « qu’une pseudo valeur » externe au cerveau, qui sera respectée par la force externe et non pas par une intégration interne. Dans ce cas, une fois le juge externe absent, on se permet de fauter et on le justifie même, ce qui n’est pas le cas quand ça vient de l’intérieur, la faute est culpabilisante… Nous ne sommes pas égaux devant la possibilité et la facilité du respect des valeurs: à ce qu’on a l’habitude de nommer « l’hypocrisie », il y a un manque authenticité, voire un faut self parfois!
Alors, pouvoir reporté le plaisir est essentiel pour le développement de la civilisation, tolérer la frustration est essentiel pour un être humain. Hélas pour que « la pilule » du principe de réalité soit ingérée il faut s’y prendre avec douceur à défaut de quoi, elle passera de travers! Entre l’authenticité et l’artificiel, le bonheur d’être soi n’est pas toujours au rendez vous.
… Dans certaines sociétés trop rigides, trop radicales, le plaisir est culpabilisé, il n’y a pas de juste milieu on doit vivre dans le manque pour garantir l’attente du plaisir ultime dans l’au delà! En attendant, sur terre, il y a le « bonheur » de survie! Justement, c’est là que la culpabilité est grande car si reporter est parfois possible, souvent c’est à un prix énorme sur l’équilibre de l’individu, d’où la culpabilité et la recherche à se faire pardonner quand on a fauté!
Finalement, trop de plaisir révèle l’addiction, vivre dans la privation permanente révèle un effacement de soi. Alors, on revient au bonheur du partage qui donne sens à l’équilibre entre notre égoïsme et notre altruisme, entre notre authenticité et le principe de réalité, entre le beau et ce qui ne l’est pas etc.
Mais, quand les profanes, les déséquilibré(e)s, les irrationnels et les fanatiques font le prêche, le jugement est sans tribunal et ne peut prendre qu’un sens unique et sans issue!
Vivre dans le sens est inhérent à l’être humain, mais savoir quel sens prendre est une partie truquée dès le départ de notre vie, notre chance n’est pas équitable et notre mérite non plus. Finir, malgré tout, par atteindre l’arrivée sans se cassé, sans trop se froissé est une victoire inestimable malgré les peines.
Votre article: » La motivation de nos comportements et le Circuit de récompense – une analyse neurobiologie » est très intéressant. Est-ce que ce circuit varie selon l’âge, le genre, l’origine sociale, la religion, l’origine ethnique, la situation de handicap: visuelle, auditive, motrice, intellectuelle, mentale…?
Excellente question Raynald. personnellement je crois qu’effectivement tous les facteurs que tu as énumérés jouent un rôle dans ce système de récompenses. Aujourd’hui on parle beaucoup d’épigénétique, à savoir, le rôle de l’interaction entre l’environnement et l’expression des gènes.