Cri du cœur d’une psychoéducatrice sur le terrain – le manque de ressources

Voici un texte qui est le cri du cœur d’une psychoéducatrice sur le terrain qui témoigne du manque de ressources pour répondre aux besoins de santé (physique et mentale), entre autres, pour les personnes itinérantes.

 

Texte publié sur Facebook, le 13 septembre 2018. Reproduit avec la permission de l’auteure.

Commentaire de ma part: Comment est-ce possible dans notre beau Québec, en Amérique du Nord, dans un pays prospère, d’être aussi inefficace, de tourner en rond pour finalement ne pas arriver à aider les personnes en besoin.

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Texte de: Geneviève Chénard

Aujourd’hui, je suis moralement fatiguée:

– J’ai demandé l’aide d’une amie orthopédagogue pour un charmant jeune homme de 14 ans qui a doublé une année… C’est génial parce qu’on va réussir à l’aider en trouvant les bons problèmes…. d’apprentissage! Je trouve ça juste très dommage que cela doive se rendre à nous, au privé, à 14 ans, avant que quelque chose ne soit fait;

– J’ai laissé deux messages en deux semaines à un député provincial pour m’aider dans la recherche d’une solution pour financer l’aide d’un petit garçon…. 2 messages. Oui, je sais qu’il est en campagne électorale… je demandais un appel, max 30 minutes. Aujourd’hui, la personne au téléphone m’a demandée de comprendre qu’il est en campagne électorale et qu’il devait aujourd’hui même aller porter son matériel informatique à Québec (faut crère qu’il n’a pas le bluetooth)… Je lui ai demandée de comprendre elle aussi que c’était assez important que le garçon soit vu, elle m’a dit que rien ne se ferait avant les élections… bon ben coudonc

– Un itinérant s’est pointé à la clinique. Oui, mal poli, pas très propre, voire même désagréable avec ma stagiaire. Il est revenu quand j’étais là. Environ 65 ans (au moins en fait), alcoolique, en marchette (avec ben de la misère à marcher), respire très mal et les jambes pleines de plaies… bref, j’ai appelé des ressources… la seule de St-Jérôme qui offre un hébergement d’urgence est un 2e étage sans ascenseur, ils le refusent donc (tsé, la marchette). J’appelle la police pour trouver une solution (tsé?, il peut même pas vraiment marcher pour traverser la rue pour l’hôpital là), mais la répartitrice me dit que ça fait 3 jours que les policiers essaient de l’aider et que ça marche pas, fait que là, ils sortiront pas pour lui… moi de dire: « euh ok, fait que là, je fais quoi avec lui dans mon bureau? », j’ai donc demandé au sergent de me rappeler pi je me suis débrouillée (merci à ma collègue Jennifer aussi)!

Finalement, en collaboration avec la ressource qui ne pouvait pas le prendre (le 2e étage avec pas de marchette possible), on lui a payé un taxi qui l’a mené à la gare, qui a patienté avec lui pour l’aider à monter dans l’autobus, dont le chauffeur l’aidera à descendre, pour que OldBrewery Mission le prenne ce soir à Montréal (je vous rappelle que la clinique est à St-Jérôme). C’est poche en tabarnak comme moyen, je le sais. Mais c’était ça où je le laissais sur le bord de la porte parce que j’ai pas les moyens d’y payer un taxi à 200$ pour aller à Montréal, que la police sortirait pas pour ça, que je pouvais pas là, sur le champ, abandonner mes autres clients pour aller le reconduire, etc.

Le sergent m’a rappelée… il m’a racontée qu’il pensait que j’étais une TS du public qui demandait l’aide des policiers pour expulser monsieur de mon bureau… parce que les policiers sont eux-mêmes allés le porter à l’hôpital 3 fois…. la première fois, selon le flic, la TS a dit au monsieur qu’elle ne pouvait rien faire à cause qu’aucune ressource de la ville ne pouvait le prendre (tsé, un 2e étage sans ascenseur, faut croire que tous les itinérants sont valides ??) et elle l’a référée à un endroit où il devait payer (????) alors le gars a rappelé les policiers ce qui nous mène à … , la deuxième fois, la ts a rappelé les policiers pour qu’ils reviennent le chercher et le mettent dans un autobus, les policiers ont refusé à cause de l’état de santé du monsieur et ont demandé à la ts de travailler son dossier, la troisième fois, ils ont brandi la menace d’une P-38 (hospitalisation contre le gré pour évaluation). La TS a jugé qu’il était apte à se trouver une ressource… on sait toujours pas pourquoi il respire de même.

Bon, ok, j’ai pas interrogé les TS de l’hôpital…mais le policier m’a racontée que souvent, il va mener des gens intoxiqués ou malades et qu’il les retrouve dans la rue 1 à 2 heures plus tard. C’est peut-être pas juste la faute aux TS, ni aux médecins, plusieurs sans abris sont difficiles à aider (santé mentale, toxicomanie, etc). mais, calvaire que je suis fatiguée de voir du monde tourner en rond à tous les jours parce que la ressource d’accueil n’a pas d’argent pour se relocaliser, parce que l’hôpital n’a pas de lits sociaux, parce que y’a eu 50 000 000$ de coupures dans les services sociaux publics en 5 ans dans les Laurentides, parce qu’on tourne les coins ronds, parce qu’on ne se parle pas, parce qu’on en fait le moins possible parce que si on fait ce qu’on devrait, on est fatigué….

Pi je ne vous parle même pas du gars analphabète, sans téléphone, qui est déjà débarqué à la clinique parce qu’il a reçu une lettre de la RAMQ qui lui demandait d’appeler (hahahahahahaha) pour avoir sa carte pour être soigné… pi que là, pour avoir sa carte, ça y prenait un numéro pi le remplissage d’un formulaire …. ah ben oui!

Ou encore de la clinique Sida Amitié qui accepte les patients sans carte d’assurance maladie pour traiter le sida et l’hépatite et qui ne vivent donc que de dons ou presque vu que le médecin ne peut pas charger ses actes professionnels vu le pas de RAMQ..parce que sa clientèle est démunie (sur tous les plans)

Ou encore des parents qui font des arrêts d’agir physiques sur leurs enfants pi qui débarquent dans mon bureau, complètement à bout, en pleurant et en se serrant la ceinture parce que la psychoéducation, c’est pratiquement pas couvert par les assurances collectives mais que y’a des mois, voire des années d’attente au public…

Trompez vous pas, j’adore ma job, pi je suis partie au privé pour aider réellement….mais je peux pas tous les ramasser juste parce que …. parce que …

Bref, à soir, je suis fatiguée

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