La vie et l’œuvre de Richard E. Tremblay
Le livre : Mathieu-Robert Sauvé (2019). La violence des agneaux. Québec Amérique.
En premier lieu, je vous recommande de lire le livre sur la vie l’œuvre de Richard E. Tremblay. C’est particulièrement intéressant pour tout ceux et celles qui s’intéressent au développement de l’enfant, à la délinquance et à sa prévention et enfin à l’influence de Tremblay sur la psychoéducation
Je trouve important de présenter l’œuvre de Richard E. Tremblay pour plusieurs raisons. La première raison c’est que Richard m’a ouvert la porte au vaste domaine de la recherche scientifique.
Mon premier contact avec Richard fut lors de son stage de formation à Boscoville (1967 à 1970) à l’occasion de sa maîtrise en psychoéducation. Richard faisait ses stages dans une unité de rééducation et dans l’activité des sports où j’étais le responsable pour l’ensemble de Boscoville. Pour la réalisation de sa recherche à la maîtrise, Richard s’est inspiré d’un travail de recherche universitaire que j’avais fait dans le cadre de mon baccalauréat en psychoéducation, soit L’apprentissage de jeux acrobatiques par des adolescents délinquants. C’était une recherche en « Laboratoire » et Richard a repris ce protocole de recherche en ayant une approche beaucoup plus scientifique que mon expérience. Il filmait les adolescents, utilisait des questionnaires validés et théorisait sur le schéma corporel. Par la suite, lors de mes études de maîtrise, Richard fut mon directeur de mémoire et c’est là que j’ai vraiment été initié à la recherche scientifique, dans une approche quantitative.
La deuxième raison, c’est que ses travaux de recherche sur le développement de l’enfant sur l’agressivité et la prédiction de la délinquance (aux origines de l’agression) sont d’une très grande importance, et ce, à un niveau mondial.
La troisième raison c’est que Richard E Tremblay est à la base un psychoéducateur, il dira « cette formation universitaire est devenue la base de mon métier p. 54 ».
Note : l’information sur le parcours de Richard E. Tremblay est tirée en grande partie du livre – La violence des agneaux. J’y ajoute parfois mes souvenirs et à la fin ce que je partage comme vision du monde.
Qui est Richard E. Tremblay
Actuellement en 2020, Richard E. Tremblay est âgé de 75 ans et vit à Montréal au Québec (Canada).
Il obtient un baccalauréat (B.A.) en éducation physique de l’Université d’Ottawa (1966), une maîtrise en psychoéducation de l’Université de Montréal (1967-1970) et un doctorat en psychologie éducationnelle de l’Université de Londres (1976).
Il est professeur émérite au département de psychologie de l’Université de Montréal et professeur associé au Département de pédiatrie / psychiatrie Faculté de médecine. Il est également professeur émérite en santé publique à l’Université de Dublin en Irlande. Il a reçu en 2017 le prestigieux prix de Stockholm, que l’on surnomme le « prix Nobel de la criminologie.
Comme chercheur et auteur, Richard « signe plus de 500 publications, citées à ce jour plus de 53 000 fois par les pairs… il figure au sixième rang des chercheurs en développement de l’enfant les plus cités au monde… L’édition canadienne du magazine Time mentionnait en 2003 qu’il était parmi les cinq chercheurs canadiens en médecine les plus influents de la planète p.13-14 ».
Il est ou a été :
-
Directeur de l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal (fin du mandat 1990)
-
Directeur et fondateur (1984) du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant de l’Université de Montréal.
-
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le développement de l’enfant
-
Directeur du Centre de recherche de l’enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes
-
Directeur du Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants (CEDJE)
-
Il a créé et dirigé le Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants (CEDJE) ainsi que L’encyclopédie sur le développement des jeunes enfants
Ses champs d’expertises particulières sont : le développement de l’enfant, l’éducation, la prévention, la famille, les relations parent-enfant, l’enfance inadaptée, l’agressivité, la délinquance et la toxicomanie.
Comme éducateur physique, en 1966 il a débuté sa carrière en milieu psychiatrique adulte à l’hôpital St-Charles de Joliette (Québec) comme responsable du service d’éducation physique et de loisir.
De 1967 à 1970, dans le cadre de sa formation en psychoéducation, Richard vient travailler au centre de rééducation d’adolescents délinquants Boscoville. C’est à cet endroit qu’il découvre le monde de la délinquance et celui de l’intervention.
Hommages et distinctions[1]
- 1988 : prix Beccaria
- 1996 : Membre de la Société royale du Canada
- 2000 : Adrien Pinard Prize for Contributions to psychological research, Quebec Society for Research in Psychology
- 2002 : Prix Jacques-Rousseau
- 2003 : Médaille Innis-Gérin
- 2004 : Prix Molsondu Conseil des arts du Canada en sciences humaines et sociales
- 2004 : prix Joan McCordp de l’Academy of Experimental Criminology
- 2005 : prix Sellin-Glueck, American Society of Criminology
- 2005 : prix Bonze, Health & Science Communications Association
- 2007 : prix de la Ministre, catégorie Multimédia
- 2007 : Prix Léon-Gérin, prix du Québec
- 2008 : grand officier de l’Ordre du mérite de Gabriela Mistral(Chili)
- 2008 : prix René-Joseph Laufer de l’Académie des sciences morales et politiques
- 2010 : officier de l’Ordre national du Québec
- 2017 : Prix de Stockholm en Criminologie
- 2017 : Prix Marie-Andrée-Bertrand, Prix du Québec
- 2018 : officier de l’Ordre du Canada
Principales études longitudinales
-
L’Étude longitudinale et expérimentale de Montréal (GRIP 1984)
-
L’Étude longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ 1987)
-
L’Étude longitudinale des enfants du Québec (ELDEQ 1998-2002)
L’Étude longitudinale et expérimentale de Montréal (ELEM) (GRIP 1984)… les chercheurs souhaitent « que les résultats nous orientent vers des cibles en matière de compétences parentales pour expérimenter des interventions préventives p. 102 ». Aussi « tester un ensemble d’interventions préventives auprès des garçons les plus agressifs et hyperactifs p. 103 », « Connaître les trajectoires de développement d’un problème permet, en principe, de mieux en identifier les sources, le prévenir ou résoudre le plus tôt possible p. 105 ».
L’Étude longitudinale et expérimentale de Montréal (ELEM).À la fin de l’intervention, nous noterons que le groupe expérimental compte moins de garçons placés dans des classes spéciales. À l’adolescence, les garçons du groupe expérimental rapportent moins de consommation d’alcool et de drogue. À l’âge de 24 ans, il y a plus de garçons qui ont terminé leur secondaire dans le groupe expérimental que dans le groupe témoin… moins de garçons du groupe expérimental commettent des crimes… p.109 »
L’Étude longitudinale et expérimentale de Montréal (ELEM) et L’Étude longitudinale des enfants du Québec (ELDEQ 1998-2002) montrent qu’il faut absolument briser le moule avant que les mauvaises habitudes ne se fixent. Comment? En amenant les enfants à risque, dès leur plus jeune âge, à apprendre des solutions de rechange à l’agression et aux autres comportements antisociaux, donc des solutions mieux adaptées à la vie contemporaine. Cela passe le plus souvent par les milieux de garde à la petite enfance et l’école. Il faut mettre les éducateurs, les enseignants et les parents dans le coup p. 129.
Tremblay explique qu’en vieillissant, les jeunes délinquants de façon générale, deviennent des parents pauvres, « À part l’exceptionnel criminel surdoué, 99% des délinquants échouent à l’école, occupent des emplois mal payés et se retrouvent le plus souvent sans emploi eux-mêmes. Ils ont des enfants avec des partenaires qui leur ressemblent. Leurs enfants héritent donc de leurs gènes, de la pauvreté et de leur éducation p. 106 ».
Quelle est sa vision
Il semble que la conception en sciences humaines (psychologie, sociologie, criminologie), à l’instar du philosophe Jean-Jacques Rousseau (12 janvier 1762) est que « …l’homme est bon naturellement… c’est par ces institutions seules que les hommes deviennent méchants. » Richard E. Tremblay, par ses travaux de recherche démontrera que c’est le contraire « On naît comme des animaux dans la jungle : prêts à se battre pour survivre! C’est la société qui nous apprend à ne pas agresser nos semblables p. 17 ». L’être humain ne nait pas naturellement « bon » avant de devenir « mauvais » à force d’être confronté à la méchanceté du monde. Au contraire, il naît programmé pour affronter un environnement hostile comme un animal sauvage… Face aux étrangers qui s’opposent à sa personne, il a le réflexe de l’agression physique… Ce caractère belliqueux largement dominant, chez le garçon comme chez la fille, se modifie avec la socialisation p. 19.
Les travaux de Tremblay attaquent le principe fondamental de la sociologie… leur vison étant que les comportements humains sont essentiellement des produits du contexte social. « L’approche évolutionniste bio-psycho-sociale, qui est la mienne, part du principe qu’à la naissance, les humains ignorent s’ils vont voir le jour dans la jungle ou dans une société moderne qui ne tolère pas l’agression physique. Les bébés, tous les bébés naissent prêts à se battre! L’agression apparaît dès que les muscles sont suffisamment formés pour permettre des gestes coordonnés. 132-133 »
Quoi, la télé violente ne rend pas violent? « Notre conclusion, après avoir analysé le développement de la fréquence des agressions physiques à l’âge de six mois jusqu’à l’adolescence, est que Rousseau avait tort : les enfants n’apprennent pas à agresser ; au contraire, ils apprennent à ne pas agresser. Et cet apprentissage se fait surtout entre la naissance et l’entrée à l’école primaire p. 136 ».
L’équipe de Richard Tremblay montrera qu’en soutenant la famille, les enseignants et les enfants dès le début de l’école primaire, on arrive à stopper la trajectoire vers la délinquance p. 137.
« j’avais travaillé avec des adolescents délinquants et des adultes criminels… je voulais décrire le plus objectivement possible le chemin parcouru pendant un traitement. Mes intérêts s’ouvraient sur le développement des problèmes, sur la compréhension du chemin que parcouraient ces jeunes en difficulté. P. 75 »
L’importance d’aider les jeunes filles qui ont des problèmes de comportement pour faire en sorte que leurs enfants ne les reproduisent pas p. 198.
L’importance d’intervenir dès la grossesse auprès des mères, surtout en milieu défavorisé… ». Ce que la mère vit pendant la grossesse, ce qu’elle mange, ce qu’elle respire, le stress qu’elle ressent; tout cela contribue au développement du cerveau du bébé. Si elle fume et boit durant sa grossesse, si elle est dépressive, si le père la violente, si elle s’alimente mal.. le développement du cerveau en subira les conséquences p. 199 »
« Sa principale réussite est d’avoir réuni des experts de disciplines différentes pour comprendre le développement humain dans son intégralité p.15 »
Qu’est-ce que je partage avec Richard E. Tremblay
Je partage l’approche de Tremblay qui est bio-psycho-sociale. Nous sommes en quelque sorte des animaux éduqués. Au départ, nous avons les mécanismes pour survivre et nous défendre (combattre ou fuir). Je n’irais pas jusqu’à dire que « nous naissons mauvais », mais plutôt, nous naissons avec des mécanismes pour survivre, se protéger, etc. Je nuancerais encore plus en mentionnant qu’il y a des différences individuelles importantes issues du tempérament qui est inné.
Je partage son point de vue sur la grande importance de l’épigénétique qui vient appuyer la conception que le génétique peut être modifié (l’expression des gènes) par l’environnement (l’éducation, l’intervention, etc.).
L’importance également d’intervenir tôt, très tôt. Si possible, dès la grossesse et ce surtout auprès des mères vulnérables (milieux défavorisés). Aussi en petite enfance (garderie) et au préscolaire (prématernelle et maternelle) et au primaire.
Les travaux de Tremblay ont influencé mes propres travaux
-
Étude longitudinale de la maternelle à la fin du secondaire
-
Développement du Guide de prévention Premiers signes
-
Développement du Répertoire de pratique Agir dès les premiers signes
-
Développement du logiciel de dépistage Premiers signes.